Nicodème, un personnage bien sympathique qui tranche dans le groupe de ses pairs. Nicodème était, en effet, un pharisien et, nous le constatons dans les récits évangéliques, les pharisiens n’avaient pas vraiment la cote. Les pharisiens étaient attachés à l’observance de la Loi juive et des règlements que la tradition avait multipliés à sa suite. Une observance bien malheureusement tatillonne et empreinte d’hypocrisie. Nicodème était aussi membre du sanhédrin, composé de 71 sages et experts de la Loi. Ce n’était donc pas le dernier venu !
Nicodème un pharisien bien atypique, au demeurant. Un savant qui n’était pas, malgré ses titres, imbu de lui-même. Il avait su reconnaître en Jésus un personnage remarquable. Le Messie peut-être, du moins l’espérait-il, si bien qu’il est venu l’aborder en pleine nuit et n’a pas hésité à aller droit au but : Maître, nous savons que Dieu t’a envoyé pour nous apporter un enseignement ; car personne ne peut faire des signes miraculeux comme tu en fais si Dieu n’est pas avec lui. Et Jésus qui nous connaît bien avant que nous venions à lui, qui connaît ce dont nous avons besoin, qui reconnaît donc la droiture de la démarche de Nicodème va, de son côté, immédiatement à l’essentiel : Oui, je te le déclare, c’est la vérité : personne ne peut voir le Royaume de Dieu s’il ne naît pas de nouveau.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Naître de nouveau. Malgré sa stature d’éminent docteur en Israël, Nicodème ne comprend pas : comment cela peut-il se faire ? Et Jésus oriente le regard de ce chercheur de Dieu sur l’essentiel. Il fait voir à Nicodème que ce n’est pas son savoir, sa connaissance de la Loi et des règlements qui mène à la rencontre avec Dieu. Il lui propose plutôt de sortir de ses certitudes et d’emprunter un chemin qu’il ne connaît pas, naître d’en haut c’est-à-dire naître de l’Esprit de Dieu, une renaissance tout intérieure. Nicodème se sent dépossédé de tout ce qu’il a acquis pendant sa vie au service du Seigneur à travers l’étude assidue des Écritures. Il lui faut naître de nouveau et cela peut être un accouchement de toute la vie. Jésus est en chacun l’accoucheur de notre vraie humanité. Il nous fait naître d’en haut, à la vie éternelle, la vie d’enfant de Dieu, ou la vie selon l’Esprit mais cette naissance se fait à travers un chemin qui peut être douloureux : il n’y a pas d’accouchement, pas d’enfantement sans douleurs. Cette naissance est commencée lors de notre baptême, mais elle est l’œuvre de toute une vie.
Pour nous chrétiens et chrétiennes, naître de l’Esprit de Dieu, c’est emprunter le chemin de notre baptême, un chemin de mort-résurrection, un engagement qui s’ouvre naturellement à la mission. Celui qui a authentiquement rencontré le Christ ne peut pas garder pour lui cette expérience, il ressent très fort le besoin de partager sa découverte et son expérience. Il se décentre de lui-même et il va au-devant de l’autre, il ne se complait pas dans ses sécurités. Fort de la présence de Dieu en lui, il se met résolument en marche vers le pauvre, le captif, l’aveugle, l’opprimé (Luc 4, 18) pour leur annoncer la Bonne Nouvelle de leur libération. Comme Abraham, il quitte son pays, sa patrie et sa famille et va dans le pays que Dieu lui montre (Gn 12, 1).
Le traducteur de la Bible en français, Émile Osty, écrit : la naissance par l’Esprit est invisible, insaisissable et mystérieuse ; mais on en discerne la réalité à ses effets dans l’homme, un peu comme le vent. Le vent est insaisissable. L’homme né de l’Esprit aussi : il vit de la liberté des enfants de Dieu. Il ne se laisse pas attacher par les normes, conventions et attentes sociales. Il ne se laisse pas conduire par le regard ou le jugement des autres. En ce sens, son comportement n’est pas stéréotypé, il ne correspond pas à l’attente des autres : il est le reflet de la liberté de Dieu, qui comporte une part d’imprévisibilité. Comme le prophète Ésaïe le note, le jeûne qui plaît au Seigneur ne consiste pas à courber la tête comme un roseau, à coucher sur le sac et la cendre (És. 58, 5) dans un rituel tout fait d’avance, mais le jeûne qui lui plaît est multiforme et se décline en autant de façons d’aimer son prochain comme soi-même : faire tomber les chaînes injustes, délier les attaches du joug, rendre la liberté aux prisonniers, briser tous les jougs. Ce peut être aussi : partager (son) pain avec celui qui a faim, accueillir chez (soi) les pauvres sans abri, couvrir celui qu’(on verra) sans vêtement, ne pas (se) dérober à son semblable. (És. 58, 6-7)
L’épisode de la rencontre de Nicodème avec Jésus est donc éminemment pertinent en cette saison de Carême. Un temps où, comme chrétiens et chrétiennes, nous nous tournons vers l’intérieur de nous-mêmes pour reconnaître que nous avons besoin de renaître pour retrouver Dieu au-dedans de nous qui nous invite à marcher à la suite de Jésus dans le souffle vivifiant de son Esprit.
Amen.
Par Pierre Nadeau
Prédication pour le 2e dimanche du Carême (A), le 12 mars 2017
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