Ne vous inquiétez pas… rendez grâce à Dieu !

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Les jours sont mauvais! Le monde est en crise. Nous n’avons qu’à ouvrir nos tablettes… ou écouter les nouvelles à la radio ou à la télévision pour nous en apercevoir. Il y a la crise écologique, la crise du logement. Au Québec et au Canada, le taux d’insécurité alimentaire ne cesse d’augmenter, tout comme le taux d’épuisement, de dépression, d’anxiété, de dépendance, et tout simplement de solitude. Et là, je n’ai même pas mentionné, Gaza, l’Ukraine, le Liban, et j’en passe. Oui, les jours sont mauvais. Comment ne pas désespérer ? Comment ne pas finir par baisser les bras ?

Et l’auteur de la lettre aux Éphésiens nous répond : « Encouragez-vous les uns les autres par des psaumes, des hymnes, et des cantiques spirituels; chantez et célébrer le Seigneur de tout votre cœur; rendez toujours grâces pour tout à Dieu le père par Seigneur Jésus Christ. »

Rendre grâce quand les jours sont mauvais ? Ce n’est pas vivre dans le déni, ça ? N’est-ce pas insensé voire insensible ? Je peux juste imaginer comment je serais reçue si, en arrivant chez quelqu’un qui traverse une crise, je lançais : « Ne t’inquiète pas! Rends grâce à Dieu et tout va ben aller ! » Ou si, à une mère de famille qui n’arrive juste pas à joindre les deux bouts, je disais : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. La vie n’est-elle pas plus que la nourriture, et le corps plus que le vêtement ? » Comment s’encourager les uns, les unes, les autres avec des psaumes et des cantiques, comment rendre grâce sans nier la douleur, la souffrance et l’angoisse des mauvais jours ?

La réponse à cette question est complexe et simple à la fois. Recherchez le mot « gratitude » sur Internet, vous trouverez une foule d’articles sur les bienfaits d’une attitude de gratitude. Et les auteurs ne sont pas uniquement des adeptes de la pensée positive ou des soi-disant « spirituels-mais-pas-religieux ». Des études sérieuses en psychologie et en neurosciences le démontrent : pratiquer la gratitude au quotidien est un gage de bonne santé physique et relationnelle et spirituelle. Ça doit être pour cela que, dans beaucoup de traditions spirituelles et religieuses, les rituels du début du jour comprennent des prières et des gestes d’action de grâce.

Pratiquer la gratitude, c’est du sport, par exemple. C’est plus qu’un petit « merci » lancé machinalement pour une porte tenue ou un service rendu. C’est une reconnaissance exprimée en toute conscience. Ce n’est ni de la pensée magique, ni du déni. La gratitude n’est pas vaccin contre les souffrances et les angoisses existentielles. C’est une discipline spirituelle qui nous donne la résilience, la force et l’endurance nécessaires pour traverser les souffrances et les angoisses.

Cela ne devrait pas nous surprendre, nous, dont la vie s’inscrit dans le chemin du Christ. La nuit où il a dû faire face aux pires des souffrances physiques, psychologiques et spirituelles, il a pris du pain et du vin et il a rendu grâce. Autour de la table, nous nous souvenons que Jésus a communié à nos souffrances et à nos angoisses et nous communions à sa vie au delà des souffrances. « En tout temps, à tout sujet, rendez grâce à Dieu le Père au nom de notre Seigneur Jésus Christ. » Le verbe traduit par « rendre grâce » en français est Eucharisteo. C’est l’Eucharistie, le repas du Seigneur qui est à la racine de toutes nos paroles et nos gestes d’action de grâce… « dans la vie, dans la mort et dans la vie au-delà de la mort.1 »

Nous rendons grâce parce que nous ne sommes pas seuls. Notre vie s’inscrit dans la longue histoire d’amour entre Dieu et son peuple. Ce Dieu qui a sorti nos ancêtres de l’esclavage en Égypte et a ressuscité Jésus d’entre les morts, nous donnera, par sa grâce, notre pain quotidien, de quoi nous soutenir tout au long de notre marche… même à travers la pire de nos crises et de nos angoisses… même à travers la mort.

Non, ce n’est pas toujours facile de poursuivre dans l’action de grâce. Il y a des jours où le doute, le découragement et la peur nous assaillent. La peur a comme effet de couper notre élan et de nous paralyser. Quand on craint l’inconnu, le manque, ce qui nous attend dans le détour, quand on a peur du lendemain, on a tendance à nous replier sur nous-mêmes et de rester figés sur place. Voilà pourquoi Dieu nous a créés pour vivre en communauté. C’est en communauté qu’on vaincra les peurs qui nous empêchent d’avancer toutes et tous ensemble sur le chemin du Royaume où la volonté de Dieu sera faite sur la terre comme au ciel.

Voilà un détail important. Quand Jésus dit, « Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez » il ne s’adresse ni à un individu ni à une famille en crise. Il s’adresse plutôt à la communauté rassemblée autour de lui au moment de son Sermon sur la montagne -qui en quelque sort le discours inaugural du début de son ministère public dans l’Évangile de Matthieu. Plusieurs exégètes soulignent qu’une partie significative de la communauté à laquelle Matthieu s’adressait était fort probablement relativement aisées. Ces personnes ne vivaient donc pas de l’insécurité alimentaire, n’avaient pas raison d’avoir peur de manquer du nécessaire. Dans ce cas, selon Matthieu, il ne fallait pas que la peur ne paralyse ceux et celles qui avaient de quoi à offrir pour le bien commun. « Ne vous inquiétez pas pour votre vie. » En d’autres mots, à la communauté rassemblée autour de lui, Jésus dit : « Ensemble, vous aurez tout ce dont vous aurez besoin pour avancer sur le chemin que j’ouvre devant vous, le chemin de la vie en abondance pour toutes et tous. »

Oui, il est bon d’être ensemble, quand tout va bien et que nous avons mille et une rasions de rendre grâce à Dieu. Il est encore plus important d’être ensemble quand ça va mal, quand une ou des crises nous frappent de plein fouet. Quand tout bascule, qu’on perd tous nos repères et qu’on a envie de nous replier sur nous-mêmes, par la grâce de Dieu, parmi nous frères et sœurs, nous trouverons peut-être des gens qui auront exactement ce qu’il nous faut pour nous aider à faire un pas de plus sur le chemin. Quand nous avons de la difficulté à avancer dans l’action de grâce, nos frères et sœurs peuvent chanter pour nous pour nous rappeler d’où on vient et vers qui nous tourner ; vers celui qui nous dit : « Ne vous inquiétez pas pour votre vie… . Cherchez d’abord le Royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné par surcroît. » Amen.

LECTURES BIBLIQUES

Éphésiens 5,15-20 

Matthieu 6, 24-34

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