Extraits bibliques et poésies du Canada français du 19e et 20e siècles.
Confession des péchés [selon Galates 3, 10-13]
« Les pratiquants de la loi sont tous sous le coup de la malédiction, puisqu’il est écrit : Maudit soit quiconque ne persévère pas dans l’accomplissement de tout ce qui est écrit dans le livre de la loi. Pour la loi, celui qui accomplira les prescriptions de cette loi en vivra. Il est ailleurs évident que, par la loi, nul n’est justifié devant Dieu. »
R/ Maudit calvaire.
Déclaration de grâce [selon Galates 3, 10-13]
« Or le régime de la loi ne procède pas de la foi… Christ a payé pour nous libérer de la malédiction de la loi, en devenant lui-même malédiction pour nous, puisqu’il est écrit : Maudit quiconque est pendu au bois. Ainsi celui qui est juste par la foi vivra. »
R/ Nos péchés? Dieu s’en Christ…!
Méditation Nos péchés ? Dieu s’en Christ…!
Christ, de condition divine …s’est dépouillé en prenant la condition de serviteur. Philippiens 2, 6-7
Christ a payé pour nous libérer de la malédiction de la loi, en devenant lui-même malédiction pour nous… le juste vivra par la foi. Galates 3,
Christ, dans son propre corps, a porté nos péchés sur le bois, afin que, morts à nos péchés, nous vivions pour la justice ; lui dont les meurtrissures nous ont guéris. 1 Pierre 2, 24
Car vous étiez égarés comme des brebis, mais maintenant vous vous êtes tournés vers le berger et le gardien de vos âmes. 1 Pierre 2, 25
Lecture du poème Méditations d’un gueux au pied de la croix
À soir que c’est l’ Vendredi Saint,
J’ai comm’ queuqu’chose en moi qui se plaint,
Comme’ queuqu’chos’ qui m’ fait mal, quand j’ pense
Mon pauvr’ Seigneur, à vos souffrances.
J’ai hont’, j’ suis trist’, j’ suis déconfit
Chaqu’ fois qu’ je r’gard’ votre crucifix.
Ah ! je l’ sais ben, ma foi vous semble
Comm’ la flamb’ du lampion qui tremble !…
Pendant qu’ je r’pass’ dans ma mémoire,
Votr’ vie, votr’ mort, tout’ votre histoire,
Me sembl’ que j’ rêv’, que j’ai l’ pesant :
J’suis avec vous, vous êt’s vivant ;
Je vous suis partout, j’ peux vous entendre,
Mais j’ peux rien fair’ pour vous défendre
Et tout s’ pass’ comm’ quand vous viviez.
Nous v’là dans l’ p’tit bois d’oliviers
Vous v’nez d’ tomber en agonie
En voyant qu’ votr’ vie est finie.
Oui ! ils sont finis les beaux jours
Que la foul’ suivait vos discours,
Le jour de l’entrée triomphale
Et des hosannas en rafales;
Les jours que c’était votr’ bonheur
De soulager tout’s les douleurs,
De dire aux gueux mordus d’ souffrance
Des mots qui parlaient d’espérance ;
De s’mer les miracl’s à plein’s mains,
Le long des rout’s et des grands ch’mins ;
De promettr’ vos Béatitudes
À ceux qui s’ rongeaient d’inquiétudes ;
D’ multiplier l’ poisson et l’ pain
Pour nourrir ceux qui crevaient d’ faim ;
De rendr’ pur comm’ l’eau d’ la fontaine
L’ cœur sali d’ la samaritaine ;
De sortir Lazar’ d’ son cercueil
Pour consoler ses sœurs en deuil…
(Paraît qu’ rien qu’à toucher votre ombre,
On s’ sentait moins gueux et moins sombre.)
— Mais, à soir, tout ça c’est fini !
Nâvré d’ sueurs dans l’ Gethsémani,
Écrasé sous les crim’s d’ la terre,
Vous êt’s seul devant votr’ misère ;
Tout seul à r’garder votr’ malheur
Qui tourne en rond au fond d’ votr’ cœur.
Devant votr’ pauvre âme abîmée,
(Comme un film aux vues animées)
Vous voyez passer tout l’av’nir
Et ç’a ben d’ quoi vous fair’ blémir,
Vu qu’ ça vous donn’ la trist’ chance
De vous rendr’ compt’ tout d’ suit’ d’avance,
Qu’ chacun d’ nous autr’s est un pécheur
Qui cherche à vous marcher sur l’ cœur,
Et de voir que votr’ sacrifice,
Seigneur, rest’ra sans bénéfice
Pour tant qui r’fus’ront d’ croire en vous
Et qui os’ront vous traiter de fou…
Ah ! mêm’ ceux qui dis’nt qu’ils vous aiment
Sont des ingrats qui vous blasphèment !
Ça, ça fait plus mal qu’ les soufflets,
Les épin’s, les clous, les coups d’ fouets,
Vu qu’ votr’ pauvr’ cœur, quand on l’offense,
Souffr’ plus d’ ça qu’ d’un million d’ coups d’ lance.
…Et dir’ que j’ sais tout ça, Seigneur,
Et qu’ pourtant, ça m’ rend pas meilleur,
Mais qu’ tout’s mes promess’s solennelles
Ça fond comme du beurr’ dans la poêle !…
Tandis que vous suez jusqu’au sang
Sans même un mot compatissant,
Y’a pas un d’ vos discipl’s qui veille.
Non ! ils dorm’nt sur leurs deux oreilles !
Pourtant, Seigneur, vous êt’s l’ami
Qu’ils trouvaient jamais endormi…
… Mais v’là du mond’ dans la clairière
Avec des gourdins, des lumières ;
Ils vienn’nt vous surprendre à p’tit pas.
En têt’ de leur band’, v’là Judas,
Judas ! Ah ! l’ visage à deux faces !
Pour vous trahir, il vous embrasse !…
Ils sont v’nus à la gross’ noirceur
Vous arrêter comme un voleur.
Y’ étaient ben trop lâch’s pour attendre
Qu’il fass’ plein jour pour v’nir vous prendre ;
C’est ben pour dir’ que la Bonté,
On n’attaqu’ jamais ça d’ clarté !
Mais, vous, au lieu d’y chercher noise,
Vous voulez mettr’ Judas à l’aise,
Vu qu’ vous savez, comm’ de raison,
Qu’ sans amis y’a pas d’ trahison,
Et vous lui dit’s : « Bonjour, ami ! »
Comm’ s’il vous avait pas trahi.
« Bonjour, ami ! » Quel cœur de pierre !
Entendr’ ça sans rentrer sous terre !
…Puis, dans la nuit couleur de peur,
Couleur d’horreur et de malheur,
Pour que notr’ salut s’accomplisse,
Vous marchez vers votr’ sacrifice…
Vos discipl’s qui s’ sont réveillés,
Les yeux encor tout embrouillés,
Vous r’gard’nt partir, … puis, par prudence,
Ils s’ mett’nt à suivre, mais à distance.
Ils sont prudents… On l’est pas moins :
Quand on vous suit, Seigneur, c’est d’ loin !
…Vous v’là tombé entre les griffes
Des deux vauriens, Anne et Caïphe.
Eux autr’s qui mèn’nt des vies d’ damnés
Cherch’nt un’ raison d’ vous condamner.
Mais malgré les faux témoignages
Ils trouvent rien ; ça les enrage.
Leurs avocats les plus retors
Os’nt pas dir’ c’ qu’a été votr’ tort.
Votr’ tort, Seigneur ? C’ été, par ‘xemple,
De chasser les banquiers du temple !
C’est là qu’ votr’ trouble a commencé.
Tant qu’ vous avez rien qu’ bavassé
D’amour, de bonté, d’espérance,
Ça leur dérangeait pas la panse.
Ils vous prenaient pour un jaseur,
Un fou, un poète, un rêveur.
Mais, vous l’z’avez pincés dans l’ maigre,
Ces honnêt’s messieurs d’ la Haut’ Pègre,
En bousculant leurs coffres-forts !
C’ pour ça, Seigneur, qu’ils veul’nt votr’ mort,
Et c’est rien qu’ par hypocrisie…
Qu’ vous êt’s accusé d’hérésie !
Tandis que votr’ vie est en jeu,
Pierr’ tranquil’ment s’ chauff’ devant l’ feu.
Seigneur, y’ est comm’ moi, il vous aime ;
Ça l’empêch’ pas d’ vous r’nier tout d’ même
Quand on d’mand’ s’il est votre ami !
Mais le v’là qui pleur’, qui blémit ;
Il vient d’entendr’ le coq qui chante
Là-bas, dans l’ ros’ d’ l’auror’ montante…
Ah ! qu’il faut que j’ pleur’ mes lâch’tés,
Moi ‘ssi, Seigneur, pour me rach’ter !
Ils veul’nt votr’ mort ! Y’ont tell’ment hâte
Qu’aux p’tit’s heur’s nous v’là chez Pilate.
Pilate, lui, c’est un cœur mou,
Un ménageux de chèvre et d’ chou.
Y’est comm’ ben des gens qu’on rencontre,
Qui os’nt pas s’ dir’ pour vous ni contre.
Il voudrait ben vous protéger,
Vous sauver…, mais sans s’ déranger.
Il s’rait mêm’ prêt à vous fair’ grâce
Mais pas au risqu’ de perdr’ sa place !
… Pour qu’ les amis soient satisfaits,
Pilat’ vous fait battre à coups d’ fouets.
Ils fess’nt avec leurs fouets à nœuds
Des coups à vous couper en deux.
Me sembl’ qu’ les coups qui tomb’nt en pluie
Sur l’ biais de vos épaul’s meurtries
Vienn’nt me r’tontir jusque su’ l’ cœur.
…Puis, v’là qu’ils vous couronn’nt, Seigneur !
Couronn’ de gloire ou ben d’affront,
Un’ couronn’, ça vous meurtrit l’ front ;
Qu’ell’ soit en or ou en pierr’s fines,
C’est toujours un’ couronn’ d’épines.
…Vous voyez c’ qu’ell vaut, notre justice ;
Vous v’là condamné au supplice !
…C’est encor de mêm’ su’ la terre ;
C’est Barabbas qu’on vous préfère,
C’est encor’ lui qu’est acclâmé,
Qu’est honoré, suivi, aimé !…
Puis on vous train’ d’ peine et d’ misère
Pour vous monter jusqu’au Calvaire.
Il faut monter, vu qu’ la Douleur,
Ça fait monter, c’est comm’ l’honneur ;
Tandis qu’il faut rien qu’on s’abaisse
Pour se ramasser d’ la richesse…
…Paraît qu’ c’est dans l’ sabl’ du Calvaire
Qu’est enterré Adam, notr’ père ;
Ils vont planter votr’ croix là-d’dans,
Tout juste au-d’ssus d’ la foss’ d’Adam,
Pour que votr’ sang lav’ dans son onde
L’ front du premier pécheur du monde…
Puis, v’là qu’ tout seul, entr’ ciel et terre,
Vous priez en pleurant votre Père…
Mais vl’à qu’ tout l’ monde hurle à la fois
En s’ bousculant au pied d’ votr’ croix !
Vous d’mandez d’où qu’ ça vient ces cris ?
Ça vient d’ ceux qu’ vous avez guéris !
Vos aveugl’s vous r’gard’nt, les yeux louches ;
Vos muets blasphèment à plein’ bouche ;
Vos sourds écout’nt en ricanant:
Vos boîteux dans’nt en s’ dandinant…
Écoutez-les ! Leurs cris de rage
Pass’nt sur l’Calvaire en vent d’orage !
Écoutez ! C’est l’humanité
Qui vous remercie d’ vos bontés !…
Pour vous r’venger à votr’ manière,
Tout c’ que vous dit’s, c’est un’ prière :
« Ah ! pardonnez-leur, vu qu’au fond,
Mon père, ils sav’nt pas ce qu’ils font. »…
Oui ! c’est d’ ma faut’, Seigneur, j’ vous crois,
Si vous v’là cloué su’ la croix.
Quoi fair’ ? quoi dir’ ? … J’ai pas d’ parole
Qui vous soulag’, qui vous r’console.
Seul’ment, j’ pense à tout’s vos bontés
Et j’ai plus hont’ d’ mes méchanc’tés.
D’vant votr’ souffranc’, tout c’ que j’ peux faire,
C’est d’ rester d’ même, à g’noux à terre,
Les yeux dans l’eau, à vous r’garder,
Comm’ mon chien quand i’ m’ voit pleurer…
Et moi, Seigneur, qu’est mêm’ pas bon
Autant que l’ pir’ des deux larrons,
J’ vous d’mande au pied d’ votr’ crucifix,
Un p’tit racoin dans l’ Paradis !
Jean Narrache [Émile Coderre] dans J’parle pour parler, 1939.
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Lecture du poème Mon Sauveur
Ô Jésus-Christ ! je veux n’entendre / Et n’écouter que votre voix.
Je veux obéir et me rendre / En tout, à l’Esprit de vos lois.
Je m’attache à vous : je veux suivre / Le sens de vos instructions.
Guidez-moi : je ne veux pas vivre / Au gré de mes illusions.
Dans l’état actuel des choses, / Vous vous cachez dans l’univers,
Comme, dans les rosiers, les roses / Se cachent durant nos hivers.
Vous ne parlez plus à la terre / De vive voix comme jadis :
Vous lui parlez avec mystère / Du sein de votre Paradis.
L’homme le plus sage a beau dire, / Si votre esprit divin et grand
Ne parle au sien et ne l’inspire, / Il ne vivra qu’en s’égarant.
Vous parlez tout bas à son âme. / Personne ne s’en aperçoit :
Vos lèvres sont comme la lame / Du zéphir : aucun ne les voit.
Parlez à ma conscience. / Vous êtes, en vérité,
Le Christ de ma confiance, / Le Christ de la charité !
Louis Riel, Poésies religieuses et politiques, Montréal, Imprimerie de l’Étendard, 1886.
Église Unie Saint-Pierre Dimanche de la Passion « B » – 25 mars 2018
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