Nous avons glané de petites lectures ce matin, n’est-ce pas ? Si vous êtes un peu comme moi, friands de passages bibliques compliqués, de casse-têtes jésuesques à trois dimensions, vous vous êtes peut-être demandé : « Mais quel lien peut-on faire entre ces anecdotes et exhortations ? » Et pourtant, au cours des derniers mois, il m’est apparu une vérité surprenante : ce sont souvent dans les petites choses, les histoires courtes et les silences que l’on peut trouver la richesse. Richesse d’une Parole de Vie qui parle aux souffrances de notre temps.
Parole prophétique dans l’inconnu… Fraternité et amour au milieu des deuils… Jésus chassant les esprits impurs qui enchaînent l’être humain. Quand on y pense bien, le monde n’a pas beaucoup changé. Ses besoins sont encore les mêmes. Notre monde en guerre à faim et à soif de paix et de vie, de ce qu’il manque pour être rassasié. Nous sommes chaque jour cerné par les conflits et les deuils ; les mauvaises nouvelles se succèdent et révèlent ainsi sans pudeur nos défaillances humanitaires. Peu importe où l’on se trouve sur le globe, voici la guerre ainsi… que la parole tordue des monarques drapés de fausses vertus.
Des paroles tordues… nous en entendons chaque jour. Voilà un défi étourdissant pour nos communautés qui sont témoins de la polarisation et la radicalisation de bien des frères et sœurs. Ah, que faire avec la montée du populisme, des guerres de territoires, conflits sanglants pour quelques arpents de terre. Pourquoi un tel orgueil, une telle envie ? S’il est aisé de nous poser ces questions tout à fait légitimes, j’ose croire que ces maux peuvent non seulement nous affecter, mais aussi nous prendre au piège.
Tout comme l’Esprit impur, il peut nous arriver de dire : « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Tu es venu pour nous perdre. Nous savons qui tu es : le Saint de Dieu. » C’est une drôle de parole que voici et qui m’a souvent questionné dans ma lecture de l’Évangile. Jésus n’est-il pas venu pour nous donner la vie ? Comment peut-on dire qu’il est venu nous mener à la mort, lui, le saint de Dieu ? Quel blasphème… dont nous sommes parfois même coupables sans même nous en apercevoir. Je suis le premier ici, face à l’état du monde, à condamner la paix comme une vanité, l’amour comme idéaliste. Je m’en repens publiquement. Dans la colère qui me possède parfois, dans l’esprit dans lequel je me trouve face au monde, il m’arrive de ne plus entendre la Parole de Dieu comme libération, mais comme une perdition. Devant le monde qui change malgré moi – mon monde qui s’effondre – je résiste à la Parole transformatrice et l’entends avec méfiance.
L’Esprit impur incarne en nous une Parole tordue où, dans la souffrance, la vie a été détournée vers la mort. Son souffle en est un qui est saturé de souffrance… si ce n’est pas pour dire de méfiance. « Que nous veux-tu, Jésus de Nazareth ? Tu es venu pour nous perdre. » Tu n’es pas venu pour nous libérer, mais nous faire périr dans ce désert où tu nous as menés… La fraternité et l’amour deviennent des rêves impossibles. Tristes Paroles, n’est-ce pas ? Mais ce sont aussi des Paroles qui peuvent nous être familières dans nos moments de deuil. Nous aussi, comme cet homme dans l’Évangile, nous pouvons avoir un « esprit impur », être contaminés par la désespérance. Être possédé, à mon sens, peut se comparer à souffrir d’une affliction spirituelle, sorte de parasite qui nous mène à détourner la Parole.
Mais, loué soit Dieu, il existe un antidote à notre désespérance. Un remède tout de même surprenant dans la mesure où il ne se trouve pas seulement à l’extérieur de nous, dans notre prochain, mais aussi en nous-mêmes. Dieu, dans toute sa sagesse, nous as accordé une sorte de petites cellules d’espérance que l’on peut cultiver, mais aussi échanger avec notre prochain. Pour nous guérir, pour étancher notre soif, pourrait-il y avoir quelque chose plus puissant que la grâce de Dieu ? Grâce communiquée par la Parole prophétique ainsi que – par extension – l’amour par lequel naît la fraternité ?
Vous et moi avons reçu le don de la prophétie. Un don qui, comme vous le savez, ne sert pas tant à prédire l’avenir qu’à communiquer la présence de Dieu. Une présence qui nous travaille de l’intérieur et nous rappelle l’amour et la vie auxquels nous sommes promis. Prophétiser vient avec une grande responsabilité, car c’est de l’amour que dépend le devenir de la vie. De la haine, du soupçon, rien ne peut advenir sinon la haine. Certes, les plans de Dieu nous sont bien souvent inconnus et peuvent même être inquiétants pour nos égos. Or, jamais ceux-ci ne nous condamnent. Ils nous invitent plutôt à la réforme et à l’espérance en cet horizon inconnu qu’est la vie. Prophétiser, c’est aimer. Vivre et communiquer cet amour dans la sincérité et la simplicité. C’est voir et regarder au travers du regard de Dieu.
Frères et sœurs, nous sommes des prophètes qui, tout comme Jésus, sont appelés à guérir la Parole blessée et l’a faire passer de la mort à la vie. Tout comme Pierre, je nous encourage ce matin à continuer à être des bergers les uns pour les autres, à veiller sur ceux qui nous accompagnent sur le chemin de notre humanité.
Perdurons dans cette mission prophétique que le Seigneur nous a tous donnée. Continuons à déceler les dangers, à prêcher l’Évangile, à croire au Royaume d’aujourd’hui et de demain, et ce, malgré les douleurs et les départs. « Tu es venu pour nous perdre » dit l’Esprit impur à Jésus… et à ce dernier de répondre un jour « Non… Moi, je suis venu afin que les brebis aient la vie, et qu’elles l’aient en abondance. »
Grâce soit rendue à Dieu qui, dans nos vies comme nos morts, veille sur chacun de nous.
Loué soit-il pour cet horizon d’éternité, Royaume de paix et de Fraternité.
Amen
Un commentaire
Ta prédication ne pouvait pas mieux tomber Jean-Philippe…
Je t’en remercie sincèrement…
Lucie