Partager la cruche et la galette

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Tout récement, lors d’une réunion au Conseil régional Nakonha:ka, on nous présenta à moi et Darla les résultats d’un sondage. Une trentaine de jeunes francophones, croyants, de 18-35 ans exprimèrent leurs expériences et leurs espérances en Église. Les résultats, eux, nous ont surpris à plusieurs égards. Savez-vous ce qui les préoccupe le plus et qu’elles activités ils proposeraient dans nos communautés de foi ?

La traditionnelle popote !

Imaginez-vous donc que ces jeunes Québécois et chrétiens affirmaient être préoccupés par l’insécurité alimentaire. Ils stipulèrent même en grands nombre que nos communautés gagneraient à s’investir dans le partage de la cruche et la galette.

Cette préocupation-là pour l’insécurité alimentaire vécue par nombre de ces jeunes va de pair avec un soucis pour la justice sociale. Rien de moins surprenant dans un monde où l’inflation du prix des aliments côtoie une instabilité politique grandissante. Une instabilité, nous l’avons vu durant les mois, dans laquelle les plus vulnérables d’entre-nous constituent bien souvent les boucs-émisaires d’une nouvelle royale.

Si les résultats de ce sondage ont de quoi nous inspirer, l’Esprit Saint n’est pas en reste pour autant. Pour être honnête, je ne m’attendais pas du tout aux lectures de cette semaine, surtout compte-tenu des évènements politiques récents. Dieu, par toutes sortes de manières, nous amène aujourd’hui à nous pencher sur deux textes nous ramenant à notre propre expérience de l’insécurité.

Et non, ça ne va pas bien du tout pour le peuple aujourd’hui, tout comme du temps d’Élie. Tandis que la sécheresse s’abat sur le pays et que la faim et la soif sont à leur comble, le premier Livre des rois évoque entre les lignes une tension politique. Écartelé au milieu d’une terre divisée et déchirée, les croyants de l’époque vivaient dans la crainte de la reine Jézabel qui n’hésitait pas à passer au fil de l’épée tous ceux qui s’opposèrent à elle. Sale temps, oui, pour être serviteurs du Seigneur et pour lancer la popote en communauté !

Rien de nouveau sous le soleil; les crises d’autrefois constitue aussi de temps à autre les nôtres. Pourtant, aujourd’hui comme hier, Dieu continue à se laisser toucher par la misère de son peuple. Toujours prêt à envoyer les signes de sa grâce, c’est en pleine sécheresse, famine et désordre politique qu’il appelle Élie le Tishbite au ministère.

Nos coeurs, victimes de notre pauvreté et de nos défaillances collectives, se représenteraient volontiers notre avenir comme un tableau noir et bariolé de rouge. Pourtant, s’arrêter là serait oublier toutes les époques sombres de l’humanité qui, dans une ambiguïté toute chrétienne, furent aussi des moments où se révélèrent d’inimaginables preuves de fraternité. Hier comme aujourd’hui, Dieu appelle ses disciples au milieu de la sécheresse, preuves en sont les résultats du sondage mené par le Conseil régional Nakonha:ka.

On s’attendrait peut-être à ce que nos jeunes répondants spiritualisent leur propre misère, question de l’oublier. Toutefois, il n’en est pas ainsi. Comme Élie rencontrant la veuve, ceux et celles qui vivent l’insécurité font non-seulement vérité sur leur condition, mais souhaitent de même la partager avec autrui afin que se manifeste par eux la grâce de Dieu. Ces jeunes Québécois nous rappellent qu’il est possible de prendre de notre misère pour poser une action significative, c’est-à-dire résister au désespoir qui nous ensevelirait.

Élie, de son côté, aurait eu toutes les raisons de refuser de partir à Sarepta, premier pas d’un ministère qui le mènera plus tard à confronter en personne la reine Jézabel. Il aurait pu refuser l’invitation du Seigneur pour préserver sa sécurité toute relative. Toutefois, sa confiance en la grâce de Dieu l’amena à prendre le risque du premier pas. À la veuve de Sarepta qui n’avait plus d’espérance de vivre, Élie se permet une audace de croyant. Il annonce le rassasiement de tous ceux et celles qui pâtissent. Dieu écoute et, à travers une offrande, à travers la cruche et la galette, il se livre aux plus vulnérables de nos sociétés. Ceux qui prennent sur leur misère et l’investissent dans le bien commun ne manqueront de rien d’essentiel.

Tout comme l’annoncent Élie et ces jeunes qui veulent s’investire en Église, le partage de la cruche et la galette peut changer petit à petit le monde. Nous pouvons être las de nos attentes déçues, fatigués de tout cet ouvrage que nous mettons dans la construction d’une maison qui, en un coup de vent, perd des briques. Toutefois, n’oublions pas qu’aucune Jézabel, aucune famine, aucune sécheresse ne peut avoir le dernier mot et l’emporter sur les promesses du Seigneur.

Au final, l’esprit nous invite ce matin à ne pas nous laisser paralyser par le découragement. Continuons à semer comme la veuve pauvre mit son offrande dans le tronc. Quoique l’espérance ne nous soulage pas de nos blessures ni enraille les péchés collectifs de nos sociétés, elle nous permet néanmoins de rester accrocher aux promesses d’un Dieu qui pourvoira à ce que l’on partage sans mesure.

Frères et soeurs, qu’il en soit ainsi selon notre foi.

Amen

LECTURES BIBLIQUES

Psaumes 146

Roi 17, 8-16

Marc 12, 38-44

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