Qu’est-ce que cela signifie?
מָןהוּאMan hou?
15Les fils d’Israël regardèrent et se dirent l’un à l’autre : « Mân hou ? » (« Qu’est-ce que c’est ? »), car ils ne savaient pas ce que c’était. … (Exode 16.15a)
Ils étaient tous remplis d’étonnement et ne savaient plus que penser; ils se disaient les uns aux autres : « Qu’est-ce que cela signifie? » (Actes 2.12)
L’anthropologie nous enseigne que « pourquoi? » est la question humaine par excellence. La quête de signification, de sens, semble être une des requêtes essentielles de l’être humain : nous voulons savoir le pourquoi des choses. Et lorsque le sens n’est pas évident, nous en inventons un, tellement le besoin en est indispensable. Voilà comment naissent les mythes fondateurs que nous trouvons dans les religions.
Il faut avouer que le récit que rapporte Luc est pour le moins intrigant. Alors, nous joignant à la grande foule hétéroclite de personnes de langues et de cultures différentes venues de presque tous les coins de la terre, et assemblées à Jérusalem en ce jour-là, nous demandons nous : « Qu’est-ce que cela signifie? »
D’abord, c’est quoi même « cela »?
On peut penser aux manifestations naturelles extraordinaires :
- un bruit venant du ciel, comme si un vent violent se mettait à souffler, qui remplit toute la maison.
- des langues pareilles à des flammes de feu. Elles se séparent et se posent une à une sur chacun d’eux.
- Et puis, ils furent tous remplis du Saint-Esprit et se mirent à parler en d’autres langues.
Il y a de quoi en perdre son latin comme l’avaient fait les enfants d’Israël (pardonnez l’anachronisme) dans Exode 16, à la vue, pour la première fois, de cette matière blanchâtre que nous connaissons en tant que manne : 15Les fils d’Israël regardèrent et se dirent l’un à l’autre : « Mân hou ? » (« Qu’est-ce que c’est ? »), car ils ne savaient pas ce que c’était.
Dans notre récit, quelque chose de désarçonnant se passe dans le chaos et le brouhaha. Quelque chose se passe qui dépasse l’entendement et qui surprend profondément.
Ce qui les surprend profondément, ce n’est ni le bruit ni les flammes, ni le tonitruant ou l’aveuglant. Ce qui les surprend, c’est de s’entendre parler dans leurs propres langues par des gens tout à fait étrangers.
Il faut dire que la langue est plus qu’un moyen de communication. C’est quelque chose de tellement intime et de tellement personnel, qui nous marque profondément et très intimement.
Une dimension de la Pentecôte malheureusement échappe à beaucoup de personnes ici et explique le choc et l’émerveillement de la surprise de ces gens venus de tous les pays du monde. C’est que la mondialisation fait que nos parlers maternels (nos dialectes) sont réduits à juste quelques méga-langues dominantes : le français, l’anglais, le mandarin, l’espagnol, l’arabe, entre autres. On peut s’attendre à rencontrer des gens les parler dans les grandes villes, partout dans le monde.
Ce qui se passe c’est que quelque chose de bouleversant se passe lorsque l’on est rencontré dans ce que l’on a et ce que l’on est de plus intime et de plus personnel, surtout lorsqu’on est loin de ses bases.
Alors on est pris au dépourvu et on se sent éperdu justement parce qu’on ne s’attendait pas à être trouvé.
Qu’est-ce que cela signifie?
Cela signifie que par le miracle de la Pentecôte, l’Esprit-Saint donne à chaque enfant de Dieu la possibilité de toucher et de se laisser toucher dans ce qu’il y a de plus personnel, dans ce que nous sommes vraiment.
Cela ne se fait pas en contraignant tout le monde à suivre un seul et même modèle, une seule et même doctrine, une seule et même idéologie. Cela ne se fait pas en gommant sa personnalité propre pour se conformer à un même moule. Non, cette tendance hégémonique était l’errance de Babel.
Ce que signifie la Pentecôte (et que l’apôtre Paul a essayé d’expliquer dans I Corinthiens 12), c’est que chacun et chacune de nous est un élément précieux et identifié du Corps de Christ. Nous pouvons avoir une relation vraie tout en étant qui nous sommes et en rencontrant l’autre dans son authenticité. Voilà vraiment le défi qui est devant nous et en nous.
En tant que chrétiens et chrétiennes ici rassemblés ce matin, cela ne peut se faire que si nous redécouvrons notre profonde unité en Christ. Autrement dit, si nous avons la simplicité de cœur d’accepter de naître de nouveau.
Comment cela « naître de nouveau »? C’est de cela qu’il s’agit, rien de moins! Accepter le don du Saint-Esprit et laisser le Ressuscité souffler sur chacun et chacune de nous, en nous disant : « Recevez le Saint-Esprit! », tout comme il l’avait fait sur ses disciples… tout comme dans la Genèse, Dieu avait insufflé la vie en nous.
C’est en fait la naissance de cette communauté nouvelle de partage et d’amour qui est appelée à être et à devenir l’Eglise.
Qu’est-ce que cela signifie?
Cela signifie que nous avons l’équipement adéquat pour être les témoins de l’amour et de la présence de Dieu, ici et dans le monde. Que nous sommes équipés pour nous rencontrer les uns les autres dans nos propres réalités, les plus authentiques.
Ce faisant, nous sommes équipés pour présenter et représenter la justice et la vérité du royaume de Dieu dans la solidarité mutuelle et le respect réciproque.
Que le Seigneur se réjouisse de ses œuvres. Bénis le Seigneur, O mon âme. Alleluia!
Que celui ou celle qui a des oreilles pour entendre, écoute!
Samuel V. Dansokho
Eglise Unie Saint-Pierre et Pinguet
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