Là où il y a des leaders qui cherchent à susciter l’adhésion du plus grand nombre (comme lors de toutes ces courses au leadership des dernières semaines), il y a des discours. Y en a-tu eu dernièrement ? Tous ces beaux discours, qui se ressemblent un peu à première vue : « Choisir un tel ou une telle, c’est choisir la paix, la sécurité, la prospérité ». Choisir l’autre, c’est choisir le chaos… le démantèlement de la nation ! Dans ce monde abreuvé de discours, un seul chef se démarque vraiment… Aujourd’hui comme hier, c’est Jésus.
Ce matin, Jésus prononce un discours-choc. En gros, il dit : « Me choisir, c’est choisir la fin du monde tel que vous le connaissez… le monde où les puissants sont rois… moi, il faut que j’aille à Jérusalem, que je souffre beaucoup et que je sois tué avant de ressusciter le troisième jour. » Euuuh… pas très winner ton discours, Jésus. Pas sûr que tu aurais remporté l’investiture. Je comprends la réaction de Pierre.
Pierre vient tout juste de déclarer qu’il voit en Jésus le messie, le Fils du Dieu vivant. Et Jésus de répondre que Pierre sera son « bras droit », son vice-président si vous voulez : « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église » (Matthieu 16,18). Il se voyait déjà… il y aurait même un jour des Églises qui porteraient son nom ! Imaginer, ne serait-ce qu’un instant, que son chef – celui qui a nourri des foules, guéri des malades et apaisé des tempêtes – souffre et meure aux mains des religieux… c’en est trop ! Pierre le prend à part et se met à le rabrouer : « Dieu t’en préserve, Seigneur ! » Et Jésus répond à Pierre, comme il a répondu au diable dans le récit des tentations dans le désert : « Retire-toi. Derrière-moi, Satan ! » (Matthieu 4, 10)
L’attitude de Pierre est diabolique et satanique. Elle est diabolique parce que cela nous sépare, nous éloigne de Dieu et de son à-venir. (En grec le diable est ce qui sépare, ce qui divise diaballo). Satan est l’accusateur. L’attitude de Pierre est satanique parce qu’elle accuse Dieu d’être autre chose que ce qu’il est.
La puissance de Dieu n’est pas celle des humains… du moins pas celle des gens qui utiliseraient leur pouvoir et leur influence pour protéger leurs propres intérêts, comme ceux de leurs proches. Penser tout dominer, ce n’est pas penser comme Dieu. Penser que la puissance de Dieu nous ferait échapper au malheur, nous rendrait prospères, garantirait notre sécurité, c’est diabolique. Cela nous éloigne de la pensée et des chemins du Dieu de Jésus Christ.
« Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive. » Pour suivre Jésus, ce qu’il faut renier, ce sont les pensées et toute vision du monde qui nous éloignent de Dieu et de sa vision du ciel et de la terre. Cela signifie se libérer des fausses idées, des fausses représentations et de la mauvaise image qu’on a de soi pour enfin voir le monde et les choses comme Dieu les voit… à travers le prisme de la croix…. qui nous fait voir que la puissance de Dieu n’est pas le pouvoir d’échapper à la souffrance et au malheur comme par magie. C’est le pouvoir de transformer la souffrance par la solidarité et l’identification de Dieu avec l’humanité entière. Choisir de porter sa croix, c’est choisir cette alter-puissance de Dieu. Rien à voir avec la toute-puissance du monde des humains.
Porter sa croix, c’est plus qu’accepter que le malheur et la souffrance fassent partie de la vie. Ce n’est pas un acte de soumission ou de résignation. C’est un acte de foi… un acte de foi qui en dit long sur notre identité et nos aspirations. Porter sa croix, c’est un acte de protestation. C’est le refus du statu quo, de la pensée magique, de l’idée qu’une seule personne ou parti politique pourrait nous apporter – à nous et à des gens comme nous – la paix, la sécurité et la prospérité sans bornes. Et, en bout de piste, porter sa croix, c’est assumer notre finitude, reconnaitre qu’il y a des limites… un bout à tout comme on dit… toute bonne chose a une fin… même nous.
Les leaders qui essaient de nous faire croire qu’il est possible d’avoir un avenir meilleur sans rien perdre de notre vie actuelle – notre confort, nos commodités, nos certitudes et notre sécurité – ils nous mentent en pleine face. À quoi bon avoir toutes les commodités et les bébelles si on passe à côté de l’essentiel ? Pierre s’attendait certainement à ce que Jésus, le messie, le Fils du Dieu vivant rétablisse le royaume d’Israël. Il espérait sans doute le retour à un moment idéalisé du passé… un peu comme nous… n’est-ce pas ? On a beau savoir que notre seul espoir est un changement radical… on a beau dire qu’on veut faire autrement… aujourd’hui qui ne voudrait pas retrouver des aspects de la vie qui est derrière nous… dans un passé plus ou moins idéalisé… et déjà révolu ? Jésus nous appelle à nous tourner, comme lui, dès aujourd’hui, vers l’à-venir de Dieu. Accepter la finitude, la mort, ce n’est pas renoncer à la vie, c’est lui faire confiance. C’est espérer ce que l’on ne connait pas encore.
Ce matin, le discours de Jésus, ce n’est pas que de belles paroles. Il nous fait une promesse… et sa parole est sûre : qui s’engage ou se réengage à le suivre, qui choisit la seule vraie alternative, l’alter-puissance de Dieu, choisit la vie toujours nouvelle et éternelle. Frères et sœurs, faisons acte de foi. Par la grâce de Dieu, nous collaborerons à refaire des vies, comme le monde. Amen.
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