Cet encart se trouve à la première page de la dernière édition du bulletin municipal de la Ville de Québec… mais il aurait pu figurer à la une du journal de Jérusalem du temps de Néhémie. Les contextes sont très différents, certes. Des milliers de kilomètres et d’années séparent les deux villes. Mais chacune se rétablit après avoir été frappée par une crise majeure. L’une se remet d’une opération militaire au terme de laquelle une bonne partie de la population s’est retrouvée exilée à Babylone. L’autre émerge de plusieurs mois de confinement imposé suite à l’invasion d’un virus meurtrier sur son territoire. Dans les deux cas, tout est à repenser: l’économie, la vie politique, sociale, culturelle et cultuelle. Est-ce qu’il y a des choses que nous pouvons apprendre de nos prédécesseurs hébreux ? Allons voir à Jérusalem…
Après des dizaines d’années de captivité, le peuple sort de son exil. La première chose que les gens font, c’est rebâtir le temple. Comme nous, ils avaient hâte de retrouver leurs habitudes cultuelles. Mais avoir accès au temple ne veut pas dire que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. La ville est en ruines et les injustices sociales prolifèrent comme un virus. Néhémie, important fonctionnaire à la cour d’Artaxerxès, roi de Perse, obtient l’autorisation de se rendre à Jérusalem pour s’y occuper de la restauration politique, économique et sociale de la ville. Car le temple n’a de signification réelle que si le peuple construit sa vie quotidienne sur les commandements de Dieu. Donc, une fois que les brèches dans la muraille de Jérusalem sont réparées – signe de la restauration de ville sainte – on organise une cérémonie religieuse extérieure pendant laquelle le prêtre Esdras lit le livre de la Loi de Moïse depuis l’aube jusqu’au milieu de la journée. Et tout le monde pleure ! Je comprends donc ! Je lis Le Lévitique pendant 5 ou 6 minutes et j’ai envie de brailler… imaginez 5 ou 6 heures…. Ouf !
Blague à part, pourquoi les gens pleurent-ils au juste ? Parce qu’après tant d’années d’exil, ils ne comprennent plus la langue dans laquelle leurs textes fondateurs sont écrits – comme tant de nos contemporains qui n’apprennent plus le sens particulier de tant de mots dans la Bible, mots qui forgent l’identité du peuple de Dieu ? Ou est-ce qu’ils pleurent parce qu’ils se rendent compte que même s’ils ont à nouveau la possibilité de rendre un culte à Dieu dans le temple, il y a encore pas mal de travail à faire s’ils veulent respecter toutes les exigences de Dieu ? Moi qui ai envie de pleurer en pensant aux mesures sanitaires à mettre en place pour qu’on puisse retourner au temple ! C’est de la petite bière à côté des 613 commandements de la Loi de Moïse qui touchent tous les aspects de la vie quotidienne…
Je comprends pourquoi les contemporains de Néhémie avaient envie de brailler. Nous ne sommes pas si différents d’eux, après tout. Pourquoi faut-il des catastrophes pour que les gens ouvrent les yeux aux injustices et aux inégalités sociales et se rendent compte que leur mode de vie les conduit direct dans un mur ? Pourquoi tant de soi-disant « bons pratiquants et pratiquantes » ne semblent pas comprendre que nos cérémonies religieuses n’ont de sens que si toute notre vie honore Dieu, est orientée vers Dieu, source de vie abondante et du vrai bonheur, non pour une petite élite, mais pour la création toute entière ?
Mais c’est précisément au moment où on a le plus envie de brailler qu’une voix se lève : « Ne soyez pas dans la peine, car la joie du Seigneur, voilà, votre force ! » Nous pouvons être dans la joie parce que Dieu est bienveillant et plein de compassion. Par sa grâce seule, de génération en génération, Dieu nous appelle sans relâche à changer de comportement… pour le rétablissement du monde entier. Et de génération en génération Dieu ne nous laisse pas tomber.
Soyons dans la joie ! Car Dieu nous est venu en Jésus, celui qui incarne toute la Loi et qui nous ouvre à une vie radicalement nouvelle. Ce matin, à tous ceux et celles qui auraient envie de brailler pour quelque raison que ce soit, il nous console en ces termes : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon joug est facile à porter, et mon fardeau, léger. »
Le terme « joug » était parfois utilisé pour parler de la Loi, un joug qui pouvait être difficile à porter, particulièrement tel imposé par certains leaders religieux. Mais un peu plus tôt dans l’Évangile de Matthieu, Jésus nous donne sa parole. Toute la Loi dépend de deux commandements. « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta pensée ; et tu aimeras ton prochain comme toi-même » (Matthieu 22, 37-39), ou en d’autres mots : « Tu aimeras Dieu te tout ton cœur et tu feras aux autres ce tu voudras qu’on te fasse » (Matthieu 7, 12). On garde ces deux-là et tout ira pour le mieux dans le meilleur des mondes… parole de notre Seigneur. Et comme un bon maître, Jésus ne nous demande pas quelque chose qu’il ne fait pas lui-même. Jésus incarne la parole qu’il nous donne : vivre selon la volonté de Dieu n’est pas une mission impossible. Par la grâce de Dieu et la puissance de son Esprit en nous, son joug est facile.
À l’époque de Jésus, prendre le joug de quelqu’un signifiait « se laisser guider par quelqu’un… vivre selon son enseignement et l’exemple de sa vie ». Ceci veut dire que si nous prenons sur nous le joug de Jésus, sa mission est la nôtre. Notre devoir de disciple est de panser les blessures, libérer les captifs et promouvoir la justice et la paix pour la création toute entière. Comme il l’a fait. Fiou !!! J’ai à nouveau envie de brailler : « Maître… il me semble que ton joug n’est pas facile à porter…pantoute ! » Mais si tel est le cas, c’est peut-être parce que nous ne nous y prenons pas de la bonne manière.
Le mot grec qui est traduit en français par « facile » peut aussi vouloir dire « utile » ou « bien ajusté ». Pour qu’un joug soit facile à porter, il faut qu’il soit bien ajusté à celui qui le porte. Si vous avez déjà transporté un sac à dos, vous savez à quel point l’ajustement peut faire toute la différence.
Revenons au joug de notre mission chrétienne. N’est-ce pas vrai que lorsque nous travaillons fort pour quelque chose qui nous passionne… quelque chose qui va dans le sens de nos dons et nos talents naturels… nous ressentons beaucoup moins l’effort ? Et ça peut même nous donner de l’énergie, de l’élan pour surmonter des difficultés et des obstacles sur notre chemin. Si le joug de Jésus nous semble difficile à porter, essayons d’ajuster notre manière de nous y prendre. « Mettez-vous à mon école…et vous trouverez le repos de vos âmes » nous dit Jésus.
En cette période de rétablissement, prenons le temps de bien nous mettre à l’écoute de la Parole afin de discerner ce qui est utile, bien ajusté pour nous… là où nous sommes aujourd’hui. Mettons-nous à l’école de Jésus afin de trouver, par la grâce de Dieu, le repos de nos âmes… et le rétablissement du monde. Amen.
Le 5 juillet 2020 – 5 Pentecôte A20 – Église Unie St-Pierre / Église Unie de Ste-Adèle
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