En lien avec nos lectures bibliques de ce matin, je veux vous partager pourquoi Michel Barlow est devenu protestant. Je vous explique d’où je tiens cette information et par le fait même qui est Michel Barlow.
Je suis abonné à la version numérique de Réforme, le journal hebdomadaire de l’Église protestante unie de France, l’Église en France la plus proche de nous et à laquelle appartenaient deux de nos anciens pasteurs, Hervé Martin et Paul Castelnau. Dans l’édition du 13 juin dernier de ce journal, un essayiste, romancier et théologien français, un nommé Michel Barlow, explique pourquoi il est devenu protestant[1]. Au cœur de son explication, il place ce qu’il appelle les « points de repère » du cheminement chrétien dans le protestantisme; ceux que mon premier professeur de théologie, le pasteur et théologien André Gounelle, un ami de longue date de Saint-Pierre, appelait non pas les dogmes, mais les « principes » à la base de la Réforme . Dans les mots latins du moine et théologien du XVIe siècle qui a lancé la Réforme d’où est sorti le protestantisme, Martin Luther, ce par quoi nous sommes protestants et protestantes, ce sont : sola fide (par la foi seule), sola gratia (par la grâce seule) et sola scriptura (par l’Écriture seule). À ces trois points de repère, Michel Barlow ajoute la clé d’interprétation qui nous guide dans notre lecture de la Bible et notre pratique chrétienne : solus Christus (le Christ seul médiateur). Dans mon for intérieur, j’ai remercié ce monsieur Barlow que je ne connais pas, mais qui me donne et nous donne l’occasion de récapituler ce qui nous fait protestants et protestantes, dans la grande mouvance des communautés de foi qui s’affirment comme chrétiennes. Nos lectures bibliques d’aujourd’hui sont des versets du Nouveau Testament à l’appui de ces « points de repère ».
À propos de la grâce seule et de la foi seule, il faut se rappeler que c’est à partir de son cheminement spirituel tourmenté que Luther vit une expérience de libération intérieure en faisant l’exégèse du passage de l’épître aux Romains que nous venons de lire. Alors qu’il est habité par la peur de la damnation éternelle et l’angoisse de n’en faire jamais assez pour mériter son salut, il est saisi par l’affirmation de Paul qui lui annonce qu’il est « justifié », c’est-à-dire rendu « juste » aux yeux de Dieu non par ses œuvres, par ce qu’il croit devoir faire pour mériter son salut, mais par la grâce seule, c’est-à-dire par un don gratuit de Dieu. Il n’a qu’à répondre à cette grâce par la foi seule, c’est-à-dire en s’en remettant avec confiance à Dieu. Fides, le mot latin qui a donné foi en français veut dire confiance avant de vouloir signifier l’adoption d’un système de croyances. Le passage que nous avons lu dans l’épître aux Éphésiens vient compléter celui que nous avons lu dans l’épître aux Romains. Il indique le sens des actions que nous pouvons entreprendre dans notre condition humaine, portés par cet élan de confiance. « Quant aux œuvres, comme disait Luther, écrit Michel Barlow, si elles n’achètent évidemment pas notre salut, elles sont une façon de mettre en pratique notre foi. » Et c’est bien ce que nous dit l’épître aux Éphésiens : « … nous avons été créés en Jésus Christ pour les œuvres bonnes que Dieu a préparées d’avance afin que nous nous y engagions. »
Que faire alors de nos vies? Où trouver les indications pour orienter nos « œuvres », c’est-à-dire nos pratiques et nos actions dans le monde dans lequel nous évoluons? Dans l’esprit de la Réforme, nous avons la Bible pour guide : Sola scriptura (par l’Écriture seule), Écriture au sens de Sainte Écriture, c’est-à-dire Bible. Or il se trouve que la Bible, ce n’est pas « un » livre, mais une collection de livres anciens rédigés sur plus d’un millénaire, dans une grande variété de genres littéraires, depuis le récit mythique jusqu’au texte de loi, en passant par la poésie et le manifeste prophétique. Il faut compter entre 39 et 48 livres pour ce que nous appelons l’Ancien Testament, selon qu’on retienne la liste en hébreu des rabbins de Judée ou celle en grec des rabbins d’Alexandrie, et 27 livres pour ce que nous appelons le Nouveau Testament. Une lecture littéraliste d’un couvert à l’autre n’est pas vraiment possible, même si certains prétendent la pratiquer. Si nous prenons comme clé de lecture de la Bible ce qui nous fait chrétiens, c’est-à-dire l’exemple et l’enseignement de Jésus le Christ, le solus Christus, nous ne pouvons que constater qu’il y a entre l’Ancien et le Nouveau Testament des éléments de continuité et encore davantage des éléments de rupture. J’en donne deux exemples.
Exemple 1 : élément de continuité. Dans l’évangile de Luc, Jésus inaugure son ministère en le plaçant sous l’inspiration d’un passage du livre d’Ésaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi parce qu’il m’a conféré l’onction pour annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres… » et le texte continue dans la même veine (Lc 4, 17-19 et És 61, 1-2). Par ailleurs, Jésus se démarque explicitement d’un principe de droit affirmé au livre de l’Exode (21, 24), au livre du Lévitique (24, 20) et à celui du Deutéronome (19, 21). Suivant ce principe, l’auteur d’une agression doit être puni par une agression identique. « Vous avez appris qu’il a été dit : Œil pour œil et dent pour dent. Et moi je vous dis de ne pas résister au méchant. » Et c’est ici que vient se placer la célèbre hyperbole : « Au contraire, si quelqu’un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l’autre. » (Mt 5, 38-39). Et quand on scrute les évangiles pour vivre son parcours de vie sous l’influence de Jésus le Christ, les exemples se multiplient. Nous sommes ainsi appelés à être en formation permanente dans la foi. Le principe solus Christus (le Christ seul médiateur) appelle une lecture critique de la Bible en prenant comme clé de lecture l’enseignement et l’exemple de Jésus le Christ, dans un effort d’actualisation du message des évangiles dans nos vies d’aujourd’hui.
Voilà où nous ramènent les principes à la base de la Réforme protestante: sola fide (par la foi seule), sola gratia (la grâce seule), sola scriptura (l’Écriture seule) et solus Christus (le Christ seul médiateur). Le salut, la libération de notre finitude humaine, nous est donné en toute gratuité (sola gratia). Nous n’avons qu’à l’accueillir en toute confiance (sola fide), en prenant pour guide l’Écriture seule (sola scriptura) lue à partir de Jésus Christ (solus Christus).
Merci Monsieur Barlow de nous avoir mis sur la piste de ce retour aux sources de notre foi protestante. Que Dieu nous soit en aide pour la suite! Amen.
LECTURES BIBLIQUES
[1] Michel Barlow, « Pourquoi je suis devenu protestant », Réforme.net, no 4047, 13 juin 2024, p. 7
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