Préserver le Temple de son Corps

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

« Le zèle de ta maison me dévorera… [Jésus] parlait du Temple de son Corps. » (Jean 2, 17a.21b)

Y a-t-il des circonstances où la colère est de mise ? Y a-t-il des occasions où ‘sauter les plombs’ s’avère nécessaire voire indispensable ? Y a-t-il un temps approprié pour brasser la cage, renverser les tables, ‘fesser dans’l dash’ ?

Les Écritures abondent en passages invitant au calme, à la patience, à l’endurance face aux injustices subies personnellement. Tendre l’autre joue la ‘marque du chrétien’ me rappelait un frère de la communauté, avec une petite pointe de sarcasme bien compréhensible. Jésus n’est-il pas ici en porte à faux avec le témoignage des prophètes et des sages bibliques, en contradiction même avec son enseignement parvenu jusqu’à nous dans les évangiles? Message de paix, de pardon, de réconciliation, message répété depuis des siècles dans le monde dit chrétien, à un point tel qu’il semble parfois éculé, trivial, du genre « Allons, allons, soyez fins les p’ti-z-amis; tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil »! Une telle mièvrerie qui jadis pouvait passer pour pieuse nous semble aujourd’hui odieuse et carrément niaiseuse. Alors comment réconcilier l’Évangile de paix et la colère de Jésus?

Ce comportement excessif frappe l’imagination. En quoi peut-il être justifié? Il ne peut s’agir alors d’une perte de contrôle due à une accumulation de frustrations, d’un défoulement hargneux et revanchard, d’un dérapage occasionné par une ‘marmite’ psychologique qui explose sous la pression. Cela chacun de nous l’a ressenti et possiblement une fois ou l’autre vécu, embarrassé après coup de la démesure d’une telle réaction intempestive. Vouloir identifier strictement un tel débordement à la ‘sainte colère’ de Jésus, nous le savons bien, serait opportuniste et caricaturale de notre part.

Ce passage situé au début de l’évangile de Jean est comme une entrée en matière percutante, où se résume l’essentiel du message de Jésus, de ce qu’il subira par la suite et du dénouement ultime de sa vie ‘offerte’; l’auteur du texte nous offre ici comme une paire de lunettes pour lire, méditer et comprendre la portée de cet évangile. Une brève citation du Psaume 69, Le zèle de ta maison me dévorera; seuls l’honneur et la gloire de Dieu peuvent fonder une indignation aussi virulente; une passion pour Dieu, pour sa sainte Présence qui doit engager tout l’être, tel un feu dévore et consume ce qui est faux, biaisé, tordu, tout ce qui utilise le religieux pour profiter au pouvoir, à l’avoir ou à la vanité humaine. Le lieu de culte, les accessoires qui y sont associés et les biens requis pour le faire fonctionner peuvent défigurer l’expérience spirituelle transcendante qui transforme – la grâce – en une religiosité de rituels, d’automatismes, réconfort à bon marché qui fige dans la léthargie d’un conformisme consommateur – les œuvres.

C’est pour préserver l’intégrité du temple de son corps que Jésus s’indigne ainsi en paroles et en actes Et son corps nous le confessons, c’est vous et moi, nous tous et toutes scellés par grâce dans la foi du baptême. Son Corps c’est l’humanité en quête d’intégrité, de guérison, de justice, de partage, de la nourriture nécessaire pour l’organisme comme pout l’esprit. Et quelle est la façon d’honorer le Temple de son Corps, de reconnaître la Présence divine qui veut transformer et renouveler l’humanité? C’est l’amour qui me plaît non le sacrifice; et la connaissance de Dieu je la préfère aux holocaustes (Os 6.6); éloigne de moi le brouhaha de tes cantiques, le jeu de tes harpes je ne peux plus l’entendre. Mais que le droit jaillisse comme les eaux et la justice comme un torrent intarissable (Am 5,23.24); Quand vous venez vous présenter devant moi […] qui vous demande de fouler mes parvis ? Cessez d’apporter de vaines offrandes : elles me sont un fardeau, je suis las de les supporter […] vous avez beau multiplier les prières, je n’écoute pas : vos mains sont pleines de sang. Ôtez de ma vue vos actions mauvaises, cessez de faire le mal. Apprenez à faire le bien, recherchez la justice, mettez au pas l’exacteur, faites droit à l’orphelin, prenez la défense de la veuve. [Es 1,12-17]

Là est le Temple et le culte véritable. Jésus enrage qu’il en soit autrement et nous invite à ne pas nous contenter de moins. Comprenons-nous ? Avons-nous des oreilles pour entendre ? Du fond du cœur, faisons maintenant silence et écoutons la voix du Seigneur…

Denis Fortin, pasteur

8 mars 2015 – St-Pierre Carême 3 « B » – 8 mars 2015

Lectures : Exode 20, 1-17 ; 1 Corinthiens 1, 18 -25 Psaume 19; Jean 2, 13-22

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