Prier dans la douleur… et la confiance

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Le fameux Livre des lamentations… Ouvrons-le de nouveau et lisons un extrait, voulez-vous bien ? « Même s’il fait souffrir, il est plein de tendresse, tant sa bonté est grande. Ce n’est pas de bon cœur que Dieu accable et fait souffrir les êtres humains. »

Ouf ! Est-ce qu’on a bien fait de s’y aventurer ce matin ? Comme plusieurs d’entre vous s’en doutent, aborder le Livre des lamentations, ce n’est pas un exercice évident pour quelconque communauté que ce soit. Il faut dire que, déjà, avec un nom de livre de même, ça ne donne pas trop envie d’y mettre le nez. Qui pourrait bien aimer ça, le maudit « lamentage » ?

« Ce n’est pas de bon cœur que Dieu accable et fait souffrir les êtres humains. »

Même si on peut réagir négativement à l’encontre d’une affirmation comme celle-là, ça serait peut-être pertinent de prendre un peu de recul. Prenons une p’tite distance pour essayer de lier l’expérience communiquée par la poète avec la nôtre. En toute franchise, avant même de raconter la misère des Hébreux en exil, le Livre des lamentations évoque notre condition humaine, nos peines et nos espérances. Comme les Hébreux de cette époque, on réalise tous les jours que nous faisons des choix qui, bien souvent, nous retombe sur la tête sans trop de raisons…

Combien de fois, par exemple, on était heureux de l’élection d’un nouveau responsable puis qu’on s’aperçut finalement que notre choix s’est reviré contre nous ? Combien de fois on a investi dans un appareil quelconque et qui, déjà, quelques mois plus tard, nous « saute dans face » ? Qui n’a jamais planifié des vacances ou un voyage somptueux qui tourne finalement au vinaigre à cause du mauvais temps ou d’un imprévu ? Personne ne pourrait prévoir ces revirements de situations, personne ne pourrait dire non plus que c’est à cause de nos péchés que nous sommes punis.

Pourtant… La question de la rétribution divine revient souvent à notre esprit. Je ne sais pas pour vous, mais c’est tellement facile de laisser ces ribambelles de questions me venir aux lèvres quand ça tourne mal : « Qu’est-ce que j’ai fait au bon Dieu pour me ramasser dans cette situation-là ? Qu’est-ce que j’ai fait pour que tout tourne de travers ?! » On peut aussi, en voyant le malheur des autres poser la même question que les disciples adressèrent à Jésus lorsque ce dernier regardait l’aveugle-née : « Rabbi, qui a péché pour qu’il soit né aveugle, lui ou ses parents ? » C’est comme un vieux réflexe que d’entrer dans cette logique-là d’infraction-punition. Sorte de « Loi du retour ». C’est plus fort que nous, on dirait.

Toutefois, il me semble qu’avec une perspective plus psychologique on peut déduire assez facilement que notre logique de la rétribution traduirait en fait nos propres peurs, nos regrets et voir même… un sentiment de culpabilité. Trop souvent on se regarde dans le miroir de notre honte et interprète sur le coup notre situation comme une sorte de Karma. À bien y penser, cette vengeance divine où on reçoit notre juste part se trouve en opposition avec la grâce qui nous a été communiquée par Jésus.

En disant que ce n’est pas à cause de son péché ou de celui de ses parents que l’homme est aveugle, mais que c’est pour que l’œuvre de Dieu se manifeste en lui, Jésus marque une distance avec notre logique de la rétribution… mais ne laisse pas de place au hasard pour autant. Si nos lamentations nous amènent à questionner Dieu sur le « pourquoi » de notre souffrance, la réponse de Jésus devient, quant à elle, une prémisse à notre guérison. Une espérance s’ouvre pour quiconque souffre : nos douleurs n’étant pas une conséquence nous renfermant dans la mort, mais nous ouvrant, au contraire, sur l’horizon de la vie à venir.

Dans la douleur, on donne parfois des intentions au Seigneur. On se dit parfois que c’est à cause de nos péchés qu’on paie le prix, que le Seigneur veut nous corriger en nous envoyant toutes sortes de fléaux. Pourtant, j’ose croire que ces inclinaisons-là sont tout à fait humaines et qu’elles font partie du processus d’adaptation vis-à-vis d’une situation sur laquelle on n’a finalement aucun contrôle. La lamentation – se lamenter – est une étape nécessaire dans le processus d’intégration. Elle consiste en un cri de colère, mais aussi, paradoxalement, de confiance envers Dieu. « Même s’il fait souffrir, il est plein de tendresse, tant sa bonté est grande. Ce n’est pas de bon cœur que Dieu accable et fait souffrir les êtres humains… »

Dieu sait à quel point il y a des lamentations dans la Bible comme dans nos vies. Dieu sait combien de gens désespèrent, mais qui, dans un jeu d’équilibre tout à fait paradoxal, restent dans la confiance.

Mon expérience personnelle de la « lamentation » me porte à croire que nos douleurs constituent plus souvent qu’autrement en des occasions d’ouverture. Les Écritures en témoignent dans toutes, toutes les pages. Lorsqu’ils quittèrent finalement Babylone, les Hébreux reconstruisirent Jérusalem. Lorsque Joseph – le fils de Jacob – fut vendu comme esclave, il a fini comme pharaon d’Égypte. Alors que la division montait de nouveau en Israël, un sauveur nous est né dans une famille pauvre et sans histoire… Dès lors, une lumière se pointe, un aveugle-né retrouve alors la vue. Les œuvres de Dieu se manifestent à travers nous selon ses promesses, quoique dans un temps et une manière qui nous sont inconnus.

Dans notre espérance et notre expérience, il importe de nous rappeler que, après nos misères, nos doutes, nos deuils, la grâce de Dieu nous sourit. Comme le dit le poète : « Ce n’est pas de bon cœur que Dieu accable et fait souffrir les êtres humains… Même s’il fait souffrir, il est plein de tendresse, tant sa bonté est grande… »

On peut être d’accord avec cette affirmation-là ou pas. Toutefois, je nous invite à nous souvenir de ceci : ce qui nous semble être une malédiction aujourd’hui, frères et sœurs, Dieu, par sa grâce, en fera demain des bénédictions. Pour ce faire, il suffit de questionner, d’ouvrir le dialogue par une lamentation à propos de nos ténèbres qui laisseront place tôt ou tard à la lumière d’un jour nouveau.

Amen

LECTURES BIBLIQUES

Lamentations 3, 19–33

Jean 9, 1-7

Psaume 119, 48-58

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