Quel est le chemin du véritable bonheur?

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Le très beau texte des Béatitudes est souvent présenté comme le véritable commencement de la prédication de Jésus aux foules qui le suivent. Elles sont surprenantes dans leur expression paradoxale. En effet, qui aujourd’hui oserait dire « heureux les pauvres, heureux les affamés, heureux ceux qui pleurent », heureux les victimes de guerre, heureux les auteurs de violence? Heureux, Heureux …etc. Cela sonne comme un mauvais programme, si on le comprend uniquement au sens premier, pour rechercher le bonheur, auquel aspire tout être humain. Ce bonheur que nous nous sommes mutuellement souhaités en début d’année 2025 et que nous souhaitons encore à toutes et tous, surtout à ceux et celles qui pleurent actuellement dans les pays en guerre à travers la planète (particulièrement : Gaza, Ukraine, Syrie, Soudan, RDC, pour ne citer que ceux-ci). Car parfois dans la douleur et l’épreuve, il arrive qu’on cherche ce bien-être sans savoir où le trouver ou en nous trompant aussi de chemin.

C’est une foule nombreuse qui a su trouver son chemin vers Christ qui attire à lui en vue de dispenser son enseignement. La foule est composée de toutes sortes d’hommes et de femmes qui appartiennent aux tribus d’Israël : les uns viennent de Jérusalem et des montagnes de Judée, les autres des rivages de Tyr et de Sidon. Ils n’ont pas hésité à faire un long voyage ; les uns pour voir le Seigneur et pour pouvoir « toucher le bas de sa tunique » ; les autres, peut-être, par simple curiosité. Comme j’aurais aimé être dans cette foule pour toucher moi aussi le bas de la tunique du Seigneur!

Le récit que fait Luc semble être des plus elliptiques, compressé pour présenter une forme à la fois très simple et très parlante.

Si d’un côté ces paroles de Jésus nous fascinent, d’un autre, elles nous troublent, car elles proposent des critères qui heurtent profondément notre mentalité actuelle. Car suivant les valeurs de notre système capitaliste, qui peut vraiment se dire pauvre, affamé et heureux ?

Paradoxalement, l’Évangile se focalise sur l’opposition de quatre bonheurs et de quatre malheurs. Cependant, l’enseignement que Jésus entend donner à la foule venue d’horizons divers est d’une singulière importance. C’est en effet un enseignement de base que tous ses disciples devront apprendre à assimiler et à transmettre et qui constitue le cœur même de la Bonne Nouvelle.

Les Pères de l’Église ont vu dans les Béatitudes un résumé puissant de la vie chrétienne. Ils ont compris ces enseignements de Jésus comme une feuille de route pour la croissance spirituelle et l’union avec Dieu.

Jean Chrysostome et Augustin considéraient les béatitudes comme une échelle spirituelle. Chaque béatitude s’appuyant sur la précédente, menant l’âme pas à pas vers la perfection dans le Christ. Cette conception nous rappelle que la vie chrétienne est un voyage de croissance continue.

Ainsi Jésus met en place une pratique collective d’apprentissage qui permettra à ses disciples de mémoriser ses Paroles et les transmettre par la suite au sein des nations. Contrairement à l’évangéliste Mathieu qui situe le lieu de l’enseignement de Jésus sur la montagne et de ce fait suivant une dimension verticale, Luc quant à lui nous révèle que c’est à partir d’un lieu plat que Jésus enseignera la foule. Le Christ est un humble pédagogue. Il ne se place pas au-dessus de nous lorsqu’il nous enseigne et son enseignement est libérateur. Car suivant une dimension plutôt horizontale, le Christ se veut proche et davantage près de nous. Toute la foule cherchait alors à toucher le et pourquoi?

Luc mentionne : « Parce qu’une force sortait de lui et guérissait tout le monde » (Lc 6,17-19). Dans cette scène d’humanité, Jésus, levant les yeux vers ses disciples, proclame les béatitudes.

Ensemble, nous pouvons remarquer dans chaque béatitude la répétition d’une conjonction de coordination « car », qui explique ou justifie ce qui précède. Mais quelle est la raison profonde de ces affirmations si paradoxales en apparence? Il est évident que Jésus ne sanctifie ni n’idéalise la pauvreté. Mais de quelle pauvreté s’agit-il? De la pauvreté spirituelle, morale, intellectuelle, sociale ou relationnelle? La pauvreté, la faim, l’affliction et la persécution sont des réalités négatives à combattre au quotidien. La bonne nouvelle, c’est que nous servons un Dieu qui ne tolère pas la souffrance que provoquent les injustices si répandues dans notre monde, et qu’il prend en charge la cause des pauvres, des faibles, des vulnérables. Ceux et celles pour qui le Seigneur est le refuge et la force. Jérémie, dans la première lecture, affirme d’ailleurs que la vraie béatitude naît de la confiance en Dieu : « Béni soit l’homme qui met sa confiance dans le Seigneur et dont le Seigneur est la confiance ».

Jésus utilise le verbe « être » au présent : « Heureux êtes-vous, les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous », tandis qu’après il emploie le futur. Les béatitudes possèdent donc une dimension déjà présente « le déjà », mais aussi une projection future « le pas encore » vers leur pleine réalisation. Dans la relation de confiance avec le Christ, même dans l’expérience de la souffrance, il est possible de trouver la joie et le bonheur. Un exemple éloquent qui m’a souvent émerveillé est celui des apôtres Pierre et Jean qui, après avoir été flagellés, « s’en allèrent du sanhédrin, joyeux d’avoir été jugé dignes de subir des outrages pour le nom de Jésus » (Actes 5,41).

Un petit mot sur les malheurs : Jésus présente quatre avertissements, les quatre malheurs : « Mais malheur à vous, les riches, car … »

Le terme « malheur » était utilisé dans le langage prophétique pour annoncer des malédictions certes. Cependant, ces « malheurs » que prononce Jésus sont des expressions de la douleur humaine, mais aussi, des expressions de la compassion et de l’empathie du Christ.

Les béatitudes sont le chemin proposé par Jésus vers le bonheur, pour une vie belle, féconde et pleine de sens. Le prophète Jérémie compare cette vie à un arbre toujours vert et fructueux, dont les racines plongent vers le fleuve. Tout dépend donc d’où je plonge mes racines spirituelles. Une vie non enracinée en Dieu est comme un désert, une terre aride, desséchée. Le chemin du véritable bonheur ne se trouve -t-il pas dans la confiance en Dieu?

L’accueil de l’Évangile pour ce dimanche est un immense bonheur à vivre quand nous puisons notre force dans celle du Christ, quand notre témoignage de vie donne à voir ce qu’est l’amour de Dieu face à la haine, sa miséricorde face au mépris, sa bienveillance face à l’insulte, son pardon face au ressentiment. C’est en ce même témoignage de vie que les disciples de Christ, frères et sœurs que nous sommes se tournent vers un même Père que révèle le Fils de l’homme.

Les enseignements du Christ transmettent un message puissant et transformateur sur la nature du vrai bonheur et les valeurs du royaume de Dieu. Leur objectif est stratifié, touchant aux dimensions spirituelles, psychologiques et sociales de l’existence humaine.

Au fond, les Béatitudes présentent une réorientation radicale de notre compréhension de la bénédiction ou du bonheur. Aux yeux du monde, le bonheur est souvent associé à la richesse, au pouvoir ou au plaisir. Mais Jésus, dans son infinie sagesse, renverse cette logique. Il déclare bienheureux ceux que le monde pourrait considérer comme malheureux ou insignifiants. Elles nous invitent toutes et tous à une nouvelle façon d’être, de penser et d’agir, une façon qui trouve son accomplissement non pas dans le succès mondain, mais dans l’amour transformateur et dans la confiance Dieu.

Amen!

LECTURES BIBLIQUES

Jérémie 17, 5-10

Luc 6, 17-26

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