Quel est ton nom ? Sais-tu qui t’a donné ton nom et pourquoi ? Notre nom dit quelque chose sur notre histoire… et même sur notre place dans l’histoire. Quand j’étais à l’école primaire… il y avait trois Heather dans ma classe. C’était l’époque où il y avait beaucoup de Nathalie au Québec… il y en avait deux dans le groupe lors de mon premier échange étudiant. Il y a eu l’époque des Kevin. Aujourd’hui, il y a très peu de petits Joseph ou de petites Marie. Emma et Noah étaient au somment des prénoms les plus populaires en 2021. Notre nom dit notre identité. Ça nous touche quand quelqu’un qu’on connait peu se souvient de notre nom… et ça peut être agaçant si, à répétition, on l’oublie, on le prononce mal ou qu’on nous appelle carrément par un autre nom. Sans doute est-ce parce que, jusqu’à un certain point, notre vie est façonnée par notre nom.
Apparemment, dans certaines communautés autochtones, ce sont les grands-parents qui donnent un nom aux enfants et les parents sont chargés d’élever l’enfant de sorte que ce dernier développe les caractéristiques associés à son nom. Le lien entre le nom et l’identité d’un individu, tout comme le lien entre le nom et la signification historique d’un lieu est aussi évident dans la tradition judéo-chrétienne (voir par exemple Genèse 28, 16-19 et Genèse 32, 23-33). Un ange dit à Joseph que sa fiancée mettra au monde un enfant à qui il donnera le nom de Jésus – qui veut dire « Dieu sauve », car il sauvera son peuple de ses péchés.
On pourrait penser que les noms n’ont plus la même influence dans notre société aujourd’hui. Mais il n’est quand même pas rare de donner à son enfant le nom de quelqu’un qui a marqué sa vie… et plutôt rare j’imagine de lui donner le nom de quelqu’un qu’on n’est pas capable de sentir. Et il ne faut pas se limiter à l’influence de nos prénoms sur notre vie. Qui a déjà eu un surnom ? Qu’est-ce que cela vous faisait de vous faire appeler par ce nom ? Et que dire de l’impact dévastateur de se faire insulter, intimider, injurier en se faisant traiter de toutes sortes de noms. En Gaspésie, j’ai connu des anciens combattants qui avaient été internés au Japon pendant la deuxième guerre mondiale et qui, jusqu’à la fin de leurs jours, souffraient des séquelles d’avoir été appelés uniquement par leur numéro de prisonnier pendant plusieurs années.
Imaginez ce que ce serait d’avoir le nom de Légion. C’est un terme emprunté à l’armée romaine qui désigne une compagnie de 6000 hommes. Un seul démon suffirait pour nous perturber. Des milliers s’acharnent sur le pauvre type qui se jette aux pieds de Jésus ce matin. Et l’impact sur sa vie est dévastateur. Il n’a plus ni vêtements, ni maison. Symboliquement il n’a ni statut, ni identité. Il n’a pas de place dans la société. Il n’a ni sécurité, ni protection. Aucun soutien familial ou communautaire. Il vit dans les tombeaux. C’est un mort vivant. Et Jésus – qui porte bien son nom – le sauve de ses péchés, de ce qui le sépare de Dieu et de son prochain. Jésus dit seulement une parole et l’homme qu’on identifiait comme « l’homme qui avait des démons » développe une nouvelle identité. Vêtu, dans son bon sens, assis au pieds de Jésus, il est devenu « disciple ».
Quelle bonne nouvelle pour le monde d’aujourd’hui où des légions de démons nous tiennent captifs, nous gardent enfermés dans des modes de vie qui nous empêchent d’assumer notre identité première, celle d’enfant du Dieu très-haut : « ‘Je t’ai appelé par ton nom, tu es à moi’, dit le Seigneur » (Ésaïe 43, 1).
Comme il l’a fait pour cet homme qui n’était identifié que par ses démons, Jésus peut nous sauver nous aussi. Et ce matin, il nous montre que la première étape vers la délivrance, c’est de nommer ce qui nous tourmente, ce qui nous afflige.
À cet égard, à l’approche de la Journée nationale des peuples autochtones, comment ne pas penser à la Commission de vérité et réconciliation. Mais il y a d’autres commissions, mouvements et phénomènes (les mouvements anonymes, #MeToo et autres) qui démontrent à quel point nommer nos souffrances, ce qui nous tourmente, est le début d’une libération.
Alors, quels démons vous tourmentent personnellement ? Quels démons nous affligent collectivement ? Il est important de les nommer car, comme on le voit dans les Écritures, nommer quelqu’un ou quelque chose, c’est le dominer, avoir un certain pouvoir sur lui (voir Genèse 2, 19).
Voilà pourquoi, quand Moïse demande à Dieu de s’identifier, sa réponse est en fait une non-réponse. « JE SUIS QUI JE SERAI » (Exode 3, 14) Dieu refuse d’être enfermé dans les noms qu’on pourrait lui donner. Ainsi parle le Seigneur : « Je suis avec toi. Je suis qui je serai » Le Seigneur est celui qui sera avec nous comme il a été avec nos ancêtres et comme il le sera avec les générations qui nous suivront. « Si tu passes à travers les eaux, je serai avec toi, à travers les fleuves, ils ne te submergeront pas. Si tu marches au milieu du feu, tu ne seras pas brûlé, et la flamme ne te calcinera plus en plein milieu, car moi, le SEIGNEUR, je suis ton Dieu, le Saint d’Israël, ton Sauveur. » (Ésaïe 43, 2-3) Peu importe le nom de nos démons, peu importe ce qu’ils nous font subir, Dieu est avec nous pour nous sauver.
Et voici le signe que Dieu est avec nous, nous sommes libres de servir Dieu, de mettre Dieu au centre de toute notre vie, comme nos ancêtres ont été appelés à le faire une fois libérés de l’esclavage. Le salut n’est pas uniquement quelque chose qui nous attend dans un avenir plus ou moins lointain. Être sauvé, c’est être libres pour servir le Seigneur plutôt que les faux-dieux de notre temps et pour accueillir toutes les bénédictions et les responsabilités qui y sont associées.
Alors nous qui nous sommes assis un temps aux pieds de Jésus et qui, par le fait même, portons le nom de « disciples », quand nous retournerons chez nous, racontons ce que Dieu a fait pour nous. Multiplions les lieux où les autres pourront nommer et dominer les démons qui les affligent jusqu’à ce que toutes et tous assument pleinement leur nom et leur identité première : Enfant du Dieu très haut. Amen.
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