Chez nous, depuis plusieurs jours déjà, Catherine nous répète avec son exubérance habituelle : « Noël s’en vient dans quelques semaines! » Rien qu’à voir, on voit ben! Il y a des signes partout : les lumières de couleur dans l’arbre chez nos voisins d’en face, les biscuits et les décorations qu’on commence à faire, les chants de Noël qu’on répète et qu’on fredonne et l’avion qui a amené Grand-maman dans les airs. C’est déjà le party chez nous!
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Et puis mardi, j’ouvre ma Bible pour préparer la première de nos célébrations annonçant Noël et je lis : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles, et sur la terre les nations seront dans l’angoisse, épouvantées par le fracas de la mer et son agitation, tandis que les hommes défailliront de frayeur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde ; car les puissances des cieux seront ébranlées. »
Méchant contraste ! J’aimerais mieux rester dans les lumières de couleur, les biscuits et les chants joyeux. Assez de la dévastation des changements climatiques et des malheurs arrivant dans le monde diffusés en boucle par les médias ! À quoi pensaient-ils, les gens qui ont préparé le lectionnaire œcuménique ? L’Évangile du premier dimanche de l’Avent, c’est toujours un récit apocalyptique – ou « une révélation du dessein éternel de Dieu ».
Bon, c’est vrai qu’on apprécie davantage la lumière quand on est plongé dans l’obscurité. Mais cette image du Fils de l’homme arrivant entouré d’une nuée alors que l’univers entier est ébranlé nous rappelle aussi un autre élément significatif de la tradition chrétienne. Nos célébrations ne sont pas uniquement le mémorial de la venue du Christ il y a plus de deux mille ans, elles anticipent aussi son retour et le début un monde nouveau.
Les premiers Chrétiens pensaient le voir arriver de leur vivant. Au fil des ans, à différents moments, les disciples du Christ croyaient voir des signes indiquant le retour imminent du « Fils de l’homme », figure mythique qui, depuis au moins l’époque du livre de Daniel, devait inaugurer ce monde où Dieu établirait sa justice pour tous et pour toujours. De la destruction du temple en l’an 70 à l’arrivée du nouveau millénaire et plus récemment ces sinistres attentats : les crises majeures de l’histoire de l’humanité ravivent l’espoir d’une intervention divine décisive. Et là, on ne parle pas d’un peu de bricolage mais plutôt d’un « reset » cosmique majeur, un redémarrage complet ! Que celui qui, au commencement de tout, sépara la lumière des ténèbres et les eaux d’avec les eaux, qui créa le soleil, la lune, la terre et tout ce qui y vit, qu’il vienne remettre de l’ordre dans le chaos et dans lequel nous nous trouvons !
Nous attendons et nous espérons toujours. De tout évidence, si ces récits apocalyptiques sont « vrais », ce n’est pas parce qu’ils expliquent le passé ou prédisent l’avenir, mais plutôt parce qu’ils nous permettent de discerner dans le moment présent les signes de l’activité divine en faveur du renouvellement du monde.
On ne peut plus le nier. Aujourd’hui, il y a des signes dans le soleil et des étoiles, la mer est agitée : l’équilibre écologique est chamboulé. De plus, partout les gens sont effrayés de voir les malheurs arrivant sur le monde. Plus près de nous, peut-même dans le banc à côté de nous ou derrière nous, des gens ont le sentiment que tout s’écroule autour d’eux et qu’ils sont impuissants pour changer quoi que ce soit. Face à de telles souffrances on peut être tentés de fuir dans les partys, les lumières scintillantes et les chants joyeux, nous laisser enivrer par l’Esprit du temps des fêtes pour ne pas ressentir la douleur. Ou bien, on peut être tellement accablés par les soucis de la vie qu’on ne voit plus rien d’autre. Dans un cas comme dans l’autre, notre instinct de préservation nous incite à nous protéger. Souvent nous optons pour le repli sur nous-mêmes. Et alors, nos yeux ne voient pas ce que Dieu est déjà en train de faire en nous et parmi nous.
Ce matin, au cœur de notre monde en souffrance, l’Évangile nous exhorte à adopter une autre posture : « Redressez-vous et relevez la tête car votre délivrance est proche ». Disciples de celui qui est, qui était et qui vient, nous sommes invités à élargir nos horizons, à regarder plus loin que le bout de notre nez, à discerner en notre temps les signes qui nous font espérer contre tout espérance que Dieu nous sauvera, nous fera voir un ciel nouveau et une terre nouvelle. Voyez-vous, la foi, ce n’est pas comme un vaccin qui nous immunise contre toute souffrance, c’est une force qui nous est donnée et qui nous permet de tenir bon même quand l’univers entier s’écroule autour de nous.
Non, ce n’est pas toujours évident. Devant tant de malheurs, tant de souffrances, notre foi est mise à rude épreuve, profondément ébranlée. Personne n’est à l’abri. Un ami m’a transmis un article qui mentionne que, devant tout ce qui se passe dans le monde actuellement, le Pape lui-même est « sombre à l’approche des festivités de Noël » cette année.
Voilà pourquoi la vie de foi se vit mieux en communauté. Parfois les signes d’espérance sont petits et leur croissance lente. Ce que la TOB traduit par « rejeton légitime » d’autres traduisent par « germe juste » : « oracle du Seigneur… je ferai croitre un germe juste ». C’est le Seigneur qui prend l’initiative et fait croitre ce qui est juste – c’est-à-dire ajusté sur sa volonté. Mais comme cette croissance n’est pas toujours facilement repérable, il vaut mieux patienter et espérer entourés de gens qui partagent nos convictions les plus profondes. C’est probablement l’un des plus beaux fruits des 5-7 et des pauses-prière, ces initiatives qui ont germé cet automne. Au fil des rencontres et des conversations privilégiées que nous n’aurions peut-être pas eu autrement, j’ai souvent perçu l’œuvre de Dieu dans vos vies. J’en sors toujours affermie dans ma foi. Cette foi que nous partageons et qui nous permet de tenir bon même quand l’univers entier semble s’écrouler autour de nous. Je suis aussi encouragée par notre modératrice qui, dans sa lettre pastorale envoyée dans la foulée des attentats récents, a souligné qu’il y a une prise de conscience politique croissante à l’effet qu’on ne peut s’opposer efficacement à ce genre de terrorisme par les moyens de guerre traditionnels. La confrontation de la brutalité du terrorisme organisé va exiger plusieurs années d’une résistance bien coordonnée. En d’autres mots, il y a une prise de conscience croissante que nous ne pourrons pas rafistoler ce qui est brisé dans le monde avec les moyens du bord. On commence à comprendre que seul un « redémarrage total » fera la job.
Non notre Dieu n’est ni un Dieu absent, ni un Dieu distant et indifférent. Notre Dieu est le Dieu qui vient mettre de l’ordre dans le chaos et le vide. Est-ce cette année que le Christ reviendra? Dieu seul le sait. Pour Dieu, mille ans sont aussi brefs que la journée d’hier. (Psaume 90, 4). En attendant, redressons-nous et relevons la tête, tenons-nous fermes dans la foi que Dieu tient ses promesses. La vie est plus forte que la mort. Là où nous ne voyons que désolation et destruction, Dieu fera croitre le germe juste. Tous les peuples seront sauvés et la terre entière vivra en sécurité. Ainsi soit-il. Amen.
Par Darla Sloan, pasteure
29 novembre 2015 – 1 Avent C15 – Église Unie St-Pierre
LECTURES BIBLIQUES
Jérémie 33, 14-16
Luc 21, 25-36
Un commentaire