4 Ainsi Jean-Baptiste vient dans le désert. Il lance cet appel : « Faites-vous baptiser, pour montrer que vous voulez changer votre vie, et Dieu pardonnera vos péchés. « 5 Tous les habitants de la région de Judée et de la ville de Jérusalem viennent vers Jean. Ils avouent leurs péchés devant tout le monde, et Jean les baptise dans l’eau du Jourdain.
6 Jean porte un vêtement en poils de chameau et il a une ceinture de cuir autour de la taille. Il mange des sauterelles et du miel sauvage. Il annonce : « Celui qui va venir après moi est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me baisser pour lui enlever ses sandales. 8 Moi, je vous ai baptisés dans l’eau, mais lui, il vous baptisera dans l’Esprit Saint. »
Le baptême de Jésus
9 Alors Jésus arrive de Nazareth, village de Galilée. Jean le baptise dans le Jourdain. 10Au moment où Jésus sort de l’eau, il voit le ciel s’ouvrir. Et il voit l’Esprit Saint descendre sur lui comme une colombe. 11Une voix vient du ciel et lui dit : « Tu es mon fils très aimé. C’est toi que j’ai choisi avec joie. »
Refonder sa vie !
Nous pouvons penser que Jean connaît Jésus. Les deux hommes sont de la même famille. Leurs mères respectives ont été enceintes pratiquement en même temps.
L’évangile de Marc nous rappelle que Jean Le Baptiste est pauvre et excentrique. Il vit très humblement :
« 4Jean porte un vêtement en poils de chameau. Il a une ceinture de cuir autour de la taille. Il mange des sauterelles et du miel sauvage. »
Jean n’est donc pas un noble, un homme de pouvoir ou un religieux avec un statut. Il vit simplement. Il ressent toutefois la situation critique de son peuple. Il réclame le changement et il se lance dans un appel à la conversion.
On voit ici avec qui Dieu a choisi de se manifester aux humains. Il ne le fait pas par les institutions civiles ou religieuses en place ou par les nobles, les militaires ou les prêtres. Dieu a plutôt choisi de transmettre une parole et de poser des actes via une personne simple et sans statut, issue de la base de la pyramide sociale, par un homme pauvre et excentrique.
Le texte de Marc rappelle le rôle que Dieu a confié à Jean-Baptiste :
« 1La Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu, commence ici. 2Dans le livre du prophète Ésaïe, on lit : « Moi, Dieu, je vais envoyer mon messager devant toi, pour préparer ton chemin.
3Quelqu’un crie dans le désert : “Préparez la route du Seigneur ! Faites-lui des chemins bien droits !” »
À ce titre, Jean soulignait au peuple qu’un autre viendrait après lui.
« 7Il annonce : « Celui qui va venir après moi est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me baisser pour lui enlever ses sandales. »
Donc, l’évangile donne un rôle annonciateur à Jean. Annonciateur de l’arrivée d’une personne plus grande, plus importante que lui. Pour que le peuple se prépare à la venue de cette personne, Jean appelle à la conversion, à la repentance.
Ainsi, Jean lance un mouvement de renouveau spirituel, associé à la repentance, mais aussi à la purification par le baptême. Ce mouvement est décrit dans l’évangile de Marc :
« « Faites-vous baptiser, pour montrer que vous voulez changer votre vie, et Dieu pardonnera vos péchés. » 5Tous les habitants de la région de Judée et de la ville de Jérusalem viennent vers Jean. Ils avouent leurs péchés devant tout le monde, et Jean les baptise dans l’eau du Jourdain. »
Ainsi, le baptême que propose Jean est relié à :
- Un constat d’échec de la vie des humains tel qu’elle est menée à son époque
- Un appel en faveur d’un changement de vie pour préparer « la route du Seigneur », pour construire ensemble un monde meilleur
- Un passage par un acte de reconnaissance de ses péchés devant tout le monde, requérant ainsi un inventaire moral rigoureux de soi-même
- Et un geste de purification, un baptême dans l’eau du Jourdain, soulignant ainsi le renouveau, le lavement des souillures passées
Quand ça va mal, ça va mal et l’humain veut s’en sortir.
L’appel de Jean semble connaître un certain succès. Marc souligne : « 5Tous les habitants de la région de Judée et de la ville de Jérusalem viennent vers Jean ».
Dans cette société juive qui subit l’occupation d’une puissance étrangère et où les autorités religieuses semblent plus occupées à préserver leurs acquis qu’à soutenir la population, l’appel de Jean semble connaître un assez grand succès, et ce, malgré l’excentricité de l’homme.
La proposition de Jean est simple et elle permet à chacun d’avoir un accès nouveau à la grâce de Dieu. Elle met l’accent sur le pardon et la relance de sa vie sur de nouvelles bases.
Cette signification du baptême est puissante et elle a une charge symbolique forte, au point qu’elle a été conservée dans la tradition chrétienne, comme sacrement marquant l’entrée de chaque personne dans le mouvement lancé par Jésus.
Jean semble avoir un énorme respect pour Jésus. Le texte de Marc ne nous dit pas trop pourquoi. C’est comme si Jean connaissait la profondeur de la sagesse ou la nature même de Jésus. Ils ont probablement eu la chance de partager leurs points de vue sur leur société, sur les changements nécessaires, sur leur vision de la croissance spirituelle, sur le péché et le pardon, sur la vie.
Dans l’évangile de Matthieu, au chapitre 3, l’évangéliste souligne même que Jean hésite à baptiser Jésus :
« 13Alors Jésus vient de la Galilée jusqu’au Jourdain. Il arrive auprès de Jean pour que Jean le baptise, 14mais Jean n’est pas d’accord. Il dit à Jésus : « C’est moi qui ai besoin d’être baptisé par toi, et c’est toi qui viens vers moi ! » 15Jésus lui répond : « Accepte cela pour le moment. Oui, c’est ainsi que nous devons faire tout ce que Dieu demande. » Alors Jean accepte. »
Finalement, après son immersion dans le Jourdain, Jésus reçoit l’Esprit-Saint et est reconnu par le Père :
« 10Au moment où Jésus sort de l’eau, il voit le ciel s’ouvrir. Et il voit l’Esprit Saint descendre sur lui comme une colombe. 11Une voix vient du ciel et lui dit : « Tu es mon fils très aimé. C’est toi que j’ai choisi avec joie. » »
Comment donner un sens à ce texte aujourd’hui, un sens pratique. Nous devons reconnaître qu’à partir de l’histoire de la naissance de Jésus dans une étable, une arrivée sur terre marquée par une grande humilité et à partir aussi du baptême de Jésus reçu par son cousin excentrique, Dieu souligne fortement qu’Il arrive auprès de nous dans la simplicité d’un homme sans statut particulier, autre que la filiation à son peuple.
Dans cette histoire, Dieu se manifeste et transmet un appel, par une personne excentrique, à l’ouverture et à la préparation du cœur et de l’âme. Il passe par une personne ordinaire qui porte un message extraordinaire, celui de refonder sa vie.
Cela nous rappelle qu’il faut être ouvert aux nouvelles idées qui ne proviennent pas nécessairement des gens détenant le pouvoir. Ces messages nous arrivent souvent du champ gauche. Des messages qui rappellent nos incohérences, nos fautes, nos imperfections et qui nous proposent de profondes transformations sociales ou personnelles.
Ici la démarche de changement ou de renouveau proposée par Jean ne se fait pas sans effort. Elle implique des étapes :
- Recevoir l’appel de changement, du besoin de renouveau
- Reconnaître les erreurs commises
- Accepter d’être purifié, d’être pardonné
- Changer de vie, de façon de faire
Pour changer de vie, l’évangile souligne qu’il faut bien identifier l’erreur commise. Ensuite, il faut la reconnaître. Personnellement, je crois que dans la lutte du Québec contre le racisme systémique, nous escamotons une étape fondamentale, celle de reconnaître l’erreur telle qu’elle est. Nous vivons dans un système qui induit du racisme, sans volonté ou désir des individus de poser des gestes empreints de racisme.
Comment justifier que les personnes noires ou brunes aient un taux de chômage systématiquement plus élevé ou un revenu moyen plus bas que les personnes issues de la majorité blanche, peu importe leur niveau d’éducation ou leur lieu de naissance ? Pour mettre en place les bonnes mesures, l’évangile nous invite à l’introspection. Il faut bien comprendre ce qui se passe, être capable de nommer précisément le problème, avant de chercher à implanter des solutions.
Dire qu’au Québec, nous faisons face à du racisme systémique, ce n’est pas dire que les Québécois sont racistes. C’est simplement dire que notre système, tel qu’il est, génère systématiquement de l’exclusion, de la discrimination. Donc, ce ne sont pas nécessairement des gestes racistes qui sont posés, mais des gestes qui génèrent indirectement des impacts négatifs pour les personnes faisant partie d’un groupe particulier.
Cette situation de discrimination n’est pas seulement vécue dans la société québécoise, mais aussi dans notre Église Unie du Canada. Lors du dernier Conseil général, nous avons été confrontés à notre racisme systémique. Pourtant, les règles de procédure du Conseil général visent l’équité et la prise de décision éclairée sans préjugé ni discrimination.
Toutefois, ces règles neutres ne permettaient pas à l’Église de mesurer pleinement les inégalités systémiques auxquelles sont confrontées les communautés racisées faisant partie de notre dénomination : difficultés d’être acceptées et reconnues dans les communautés établies, non-reconnaissance des différences, discrimination dans l’embauche pour des emplois dans l’Église, impossibilité d’avoir de l’espace pour parler des enjeux de discrimination et contraintes et critiques à l’intégration de marqueurs identitaires diversifiés dans les activités de l’Église.
Le Conseil général a obtenu d’un observateur un constat d’échec concernant sa volonté portant nommée, dès le début des travaux, de s’inscrire dans une démarche de renouveau quant à la pleine égalité, la pleine inclusion. Face à ce constat, la modératrice a immédiatement suspendu les règles habituelles du Conseil et a ouvert les micros aux membres racisés de l’Église, pour que nous puissions collectivement entendre leurs voix, pour que nous puissions recevoir ensemble les raisons de notre échec, et ce, dans un silence méditatif, avec un cœur ouvert, dans la confiance de l’amour de Dieu.
Ainsi, le Conseil général n’a pas annoncé promptement des solutions toutes faites, il a plutôt commencé son inventaire moral pour arriver un jour à procéder au renouveau. Avant d’implanter des solutions, de poser des actions de renouveau, il faut faire l’inventaire moral et admettre ses faux pas… Il faut prendre le temps de le faire.
Nous devons faire cet inventaire dans la confiance. Dieu nous accompagne dans notre marche vers le changement. Il s’associe à nous. Pas juste d’en haut avec un statut d’autorité, mais aussi comme notre égal, notre ami. Jésus s’est fait baptiser par Jean, comme les autres, pour s’affilier à nous, humains. Il est passé par cette étape, pour poser un geste de solidarité et d’affiliation avec toutes les personnes cherchant une vie renouvelée.
Bonne année 2021, qu’elle soit source de renouvellement, d’une relance pure basée sur notre affiliation à Dieu. Une affiliation qui a été marquée par notre propre baptême et qui a comme fondement partagé l’amour fraternel radical, la sainte paix et le respect profond de la vie et de la création, de notre Terre-Mère. Amen
Un commentaire
Merci je n’ai pas assisté au culte dimanche dernier et j’apprécie de pouvoir lire la prédication. Je retiens deux perles: l’importance de reconnaître nos torts pour pouvoir avancer (c’est aussi la première étape vers la guérison chez les AA), et aussi que le baptême c’est une déclaration publique de vouloir changer de vie (bizarre alors qu’on baptise les bébés naissants à l’église catholique mais ça, c’est une autre histoire).