Rester, rentrer ? Rester ou rentrer ?
Deux mots bien simples, mais deux mots qui pourraient exprimer tout le combat intérieur que l’apôtre Pierre semble éprouver dans cet épisode relaté par l’évangéliste Jean. Rester avec Jésus ou rentrer à la maison ?
Le contexte est clair. Jésus vient de prêcher dans la synagogue de Capharnaüm. Son discours n’est pas facile à avaler : «Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi». (Jean 6, 56) Pas facile à entendre par ses disciples contemporains. Pas facile non plus pour nous qui sommes ses disciples d’aujourd’hui. Tous s’entendent pour dire : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? » (v. 60) « À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner» (v. 66).
Jésus vérifie alors auprès des Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? » On perçoit un sentiment de tristesse dans cette question de Jésus. Un sentiment d’échec peut-être. Mais il est conscient de sa mission. Il n’est pas là pour chercher à plaire. Il est là pour réveiller les endormis. Il est là pour faire vivre. Et certains l’ont compris, ils font confiance. Comme Pierre notamment qui déclare cette magnifique confession de foi : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle. Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu » (vv 68-69).
« Seigneur, à qui irions-nous » ? Pierre sait pertinemment qu’il vient d’être placé devant un choix important, le plus important de sa vie peut-être : rester avec Jésus et vivre sur les routes avec lui, constamment déstabilisé par ses paroles et ses gestes ou rentrer à la maison avec ses proches et pêcher avec ses compagnons dans une vie bien rangée.
« Seigneur, à qui irions-nous » ? Cette petite phrase de rien du tout qui précède la belle déclaration de foi « Nous savons que tu es le Saint de Dieu», Cette petite phrase montre à l’évidence que Pierre n’avait pas une certitude absolue de croire vraiment en son Maître. Et ce ne sera pas la dernière fois que Pierre manifestera ainsi son désarroi. Lors de l’interrogatoire de Jésus par les grands prêtres (Jn 18), en effet, il niera connaître Jésus par trois fois.
« À qui irions-nous» ? Cette phrase semble une raison plutôt négative pour rester avec Jésus, comme si le disciple s’accroche au Seigneur parce qu’il ne connaît rien d’autre qui soit suffisant pour le nourrir.
Pourtant c’est ce dont il s’agit ici. Jésus est nourriture pour faire vivre ses disciples. Il n’hésite pas à signifier que ses paroles sont faites pour être distribuées et mangées par ceux et celles qui ont faim, que ses paroles sont chair en quelque sorte pour être prises, mâchées et digérées afin de devenir semence de Vie éternelle.
Ce qui s’applique à Pierre s’applique aussi `tous les fidèles de Jésus. Ce qui s’applique à Pierre s’applique encore aujourd’hui à tous ses fidèles, et donc à nous tous et toutes :
Goûtez et voyez : le Seigneur est bon !
Heureux qui trouve en lui son refuge !
Saints du Seigneur, adorez-le :
rien ne manque à ceux qui le craignent.
Des riches ont tout perdu, ils ont faim;
qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien. (Ps. 34, 9-11)
«Rien ne manque à ceux qui le craignent (…) ; qui cherche le Seigneur ne manquera d’aucun bien» (v. 10-11). C’est là qu’est notre foi : le Fils de Dieu lui-même est venu dans notre monde pour sauver ce qui était perdu. Il s’est donné pour nourrir le peuple de ses fidèles. Il se donne encore sans restriction aucune. Il est nourriture de vie pour chacun et chacune d’entre nous. Quelles que soient nos défaillances, nos doutes, nos remises en question. Nos questionnements et nos reniements aussi comme ceux de Pierre. Lui est toujours le même, il est le Berger toujours fidèle et avec lui,
Grâce et bonheur m’accompagnent
tous les jours de ma vie;
j’habiterai la maison du Seigneur
pour la durée de mes jours. (Ps. 23, 6)
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