Ma petite fille est près de mourir; viens lui imposer les mains… (Marc 5, 23a)

Les spécialistes de la Bible sont d’avis que l’évangile de Marc est le plus ancien qui nous ait été transmis, reposant sur le témoignage de l’apôtre Pierre. Rédigé en grec pour en assurer la diffusion la plus large possible, on y entend pourtant des mots d’araméen, langue du quotidien pour Jésus; dans le cas présent le « Talitha qoum » que l’auteur s’empresse de traduire, ce qui veut dire : « Jeune fille [petite agneau] je te le dis, réveille-toi ! ».

Les exégètes, érudits des textes, se perdent en conjecture sur le motif de cette insertion. Mais tout le monde s’entend pour dire que cela ajoute à l’effet dramatique de la narration : à défaut d’être dans la chambre avec les disciples et les parents, on ressent une impression forte, peut-être l’équivalent de ce qui se passe lorsque Jésus, écrasé par la foule, déclare qu’une force était sortie de lui et demande : Qui a touché mes vêtements ?

Les évangiles sont des montages de récits et de paroles pour nous faire saisir qui est Jésus. Les deux histoires intercalées – nous les avons lues en deux temps pour bien le faire sentir – ont plusieurs éléments communs : la fille de Jaïros avait douze ans, la femme au milieu de la foule souffrait d’hémorragies depuis douze ans; le père supplie que Jésus vienne lui imposer les mains, et la femme se dit si j’arrive à toucher au moins ses vêtements; l’incrédulité des disciples Tu vois la foule qui te presse et tu demandes : “Qui m’a touché ? et celle des gens qui pleurent et poussent de grands cris et se moquaient de lui. Et on pourrait poursuivre les parallèles.

Quelles impressions, émotions, ou prises de conscience l’Esprit Saint qui souffle dans les Écritures vient-il susciter en vous à l’écoute de ces deux récits? Douze ans pour une vie c’est tout court; douze ans de maladie c’est très long. Y a-t-il des dimensions en vous qui commencent à peine à vivre et qui sont menacées? Des réalités difficiles, souffrantes que vous portez, supportez depuis des années et qui vous semblent à jamais bloquées? Des êtres que vous chérissez qui sont en péril? Vous arrive-t-il aussi, consciemment ou non, de refuser d’emblée la possibilité d’une transformation radicale de votre situation, parce qu’il est trop tard, parce que vous n’êtes pas assez important, parce que…? Il me semble que l’enseignement proposé ici c’est d’oser sortir de notre condition, d’avancer hors de nous-mêmes, de nous mettre volontairement en déséquilibre : le dirigeant religieux va au devant du prédicateur itinérant et tombe à ses pieds; la femme se faufile par-derrière dans la foule et puis craintive et tremblante vint se jeter à ses pieds.

Talitha qoum de dire avec la tendresse du bon berger ce même homme qui par sa parole seule arrête la violence des vents et apaise les flots déchainés. Vents, marées, maladie, mort s’écroulent au contact de celui en qui la puissance du Créateur s’offre généreusement pour le salut, la guérison de ses créatures. Voir le monde et notre histoire personnelle à travers le prisme de ces récits c’est saisir l’infinie grandeur de la petitesse de notre vie, de toute vie. Talitha qoum, l’insolite de ces mots est comme sa main qui se tend vers chacun-e de nous, tour-à-tour femme mure affligée et jeune fille au seuil de sa vie en péril.

Talitha qoum, lève-toi de toute l’espérance de ton humanité, lève-toi solidaire de toute les détresses et témoigne; sois sans crainte, crois seulement. Talitha qoum, ma fille, ta foi t’a sauvée ; va en paix et sois guérie de ton mal. Qu’il en aille de même pour chacune et chacun d’entre nous. Amen.

Denis Fortin, pasteur

St-Pierre 13^e dimanche ordinaire « B » / Pentecôte 5 – 28 juin 2015

Lectures bibliques

Psaume 130 ; Marc 5, 21-34; Marc 5, 35-43