C’était une foule immense que nul ne pouvait dénombrer, de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le trône et devant l’agneau, vêtus de robes blanches et des palmes à la main. (Apocalypse 7,9)
La solennité de la Toussaint fait partie des différentes formes de mémoire des défunts qui se sont développées au fil de l’histoire; elle plonge, à sa manière, de profondes racines dans les fêtes cosmiques, saisonnières, fêtes dites païennes (provenant de l’expérience du vécu rural, paysan agraire), particulièrement des Celtes, dont Samhain qui depuis a été pour ainsi dire absorbée par Halloween. Les protestants se méfiaient des pratiques religieuses qui prétendaient garantir des résultats spirituels, comme si Dieu était une distributrice en attente de paiement avant de livrer la marchandise. Je partage cette réserve. Tout en demeurant vigilant à l’égard des fabrications d’œuvres religieuses qui prétendent obliger l’Éternel à accorder ses bienfaits, le mouvement œcuménique du 20e siècle a saisi l’intérêt pédagogique d’utiliser les moments forts du calendrier civil comme ceux des cycles de la nature de même que les traditions et coutumes qui leur sont associées. La foi chrétienne se vit toujours dans le contexte des sociétés et cultures dans lesquelles elle baigne, et cela pour le meilleur et malheureusement aussi pour le pire.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
La perplexité angoissée face à la mort est considérée par beaucoup comme l’amorce d’une vision religieuse du monde et du développement de ses conceptions et rituels : qu’y a-t-il au-delà de ce passage incontournable pour tous? Au fil des millénaires, des grottes de Lascaux aux pyramides des pharaons, des mausolées des gens célèbres aux lieux funéraires du commun des mortels que nous sommes, se pose une question ouverte sur le sens de l’existence humaine et de la permanence de la conscience individuelle, question posée bien sûr à celles et ceux qui demeurent après le départ des ancêtres. Et me vient à l’esprit, un prolongement poétique du questionnement existentiel, cette merveilleuse chanson de Sylvain Lelièvre : Les enfants de Lascaux.
Notre présence en ce lieu ce matin, comme des millions d’autres personnes partout sur la planète, atteste qu’il n’est pas sot de chercher Dieu, d’être en quête de cette profondeur des êtres et des choses qui pointe vers une présence bienveillante. Et justement, pour celles et ceux qui choisissent de suivre Jésus le Christ, c’est devant une tombe que se dévoile la profondeur ultime de la destinée personnelle des êtres. Car le tombeau est vide… Christ est ressuscité par la puissance jaillissante de Dieu et le souffle de son Esprit le fait comprendre à notre entendement et, à chaque instant, par pure grâce, il nous greffe au ressuscité qui réunit tous les vivants, telle la tête d’un même corps qui nous introduit et nous intègre dans la tendre présence de l’Éternel.
Le premier chapitre de la lettre aux Éphésiens, aussi magnifique que complexe, nous fournit la clé d’interprétation du sens de notre existence personnelle comme du mouvement de l’évolution et de l’histoire du monde, et cela en dépit de toutes les difficultés, les oppositions et les reculs périodiques que nous pouvons vivre. Écoutez à nouveau :
Dieu nous a prédestinés à être pour lui des enfants adoptifs par Jésus Christ […] Dieu nous a prodigué sa grâce, nous ouvrant à toute sagesse et intelligence. Il nous a fait connaître le mystère de sa volonté, le dessein bienveillant qu’il a d’avance arrêté en lui-même pour mener les temps à leur accomplissement : réunir l’univers entier sous un seul chef, le Christ […] pour que vous sachiez […] quelle immense puissance Dieu a déployée en notre faveur à nous les croyants ; son énergie, sa force toute-puissante, il les a mises en œuvre dans le Christ, lorsqu’il l’a ressuscité des morts […] Oui, il a tout mis sous ses pieds et il l’a donné, au sommet de tout, pour tête à l’Église qui est son corps, la plénitude de celui que Dieu remplit lui-même totalement.
Nos ancêtres sont morts, mais en Christ et par le dessein cosmique du Dieu de toute éternité, ils vivent! De même, nous aussi dans le temps qui est le nôtre nous sommes associés au même corps dont Christ est la tête, et la puissance de son Esprit vainqueur de toute opposition nous est accessible. Encore faut-il que nous l’utilisions cette puissance en nous y confiant avec intelligence autant que simplicité. La signification de la Toussaint c’est que l’amour et la générosité de Dieu sont le carburant des vivants d’un côté comme de l’autre du passage de la mort. Nous ne prions pas pour les morts car leur sort repose immédiatement et à jamais dans la puissance rédemptrice et infiniment miséricordieuse de Dieu. Nous ignorons qu’elle est la conscience que nos ancêtres ont de ce côté-ci de l’existence : mais ce dont nous pouvons être sûr c’est que notre amour envers eux n’est pas disparu et que le leur à notre égard est tout sauf diminué. Trouvons notre réconfort dans la permanence de la vie à travers le Christ, par pure grâce. Et ne cessons pas de voir notre existence à travers le prisme de l’éternité déjà commencée et du déploiement du plan divin d’amour qui souhaite se manifester à travers notre compassion et notre amour solidaire.
Amen.
Église Unie Saint-Pierre / Toussaint « C » – 3 novembre 2019
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