Les disciples avaient tout laissé derrière eux… maison et métier… pour suivre Jésus, pour poursuivre un rêve… le rêve d’une vie abondante pour le troupeau de Jésus (Jean 10, 10). Ils croyaient le règne de Dieu proche… très proche… à leur portée. Mais dans l’espace de quelques heures, leur rêve s’est envolé en éclats. Et là… lorsqu’ils croyaient avoir tout perdu… leur vie bascule à nouveau : Jésus n’est plus mort ! Il est Ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Marie l’avait annoncé. Ils l’avaient vu. Mais Jésus disparait trop vite. Comment comprendre ce qui leur arrive ? Que faire ? « Je vais pêcher » dit Pierre ! Et ses compagnons embarquent avec lui. Au lieu de tourner les pouces… mieux vaut faire quelque chose de ses deux mains. Mais leurs efforts sont stériles. Rien à faire. Prenez un instant pour imaginer, pour ressentir leur fatigue, leur frustration, en évoquant un moment de grand découragement… de désespoir dans votre vie. (pause).
« Jetez le filet du côté droit et vous trouverez » dit Jésus. On peut spéculer longtemps sur la signification de cette phrase… mais ce matin, cette phrase me rappelle que lorsqu’on laisse Jésus nous guider, nous orienter, même un travail qui nous paraît complètement stérile peut devenir fécond. L’auteur de la lettre aux Colossiens nous le dit en ces termes : « Quel que soit votre travail, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur, et non pour les humains, sachant que vous recevrez du Seigneur l’héritage en récompense. Le Maître, c’est le Christ ; vous êtes à son service. » (Colossiens 3, 23-24).
Il y a une dizaine années, n’ayant pas de paroisse où exercer mon ministère, comme Pierre et ses compagnons, plutôt que tourner les pouces, et pour gagner mon pain, je suis retournée à mon ancien métier, l’enseignement de l’anglais langue seconde. Un jour, j’étais tellement découragée que j’ai engueulé Dieu comme du poisson pourri… « Écoute-moi ben, c’est toi qui m’as appelé… qui m’a demandé de laisser mes dictionnaires derrière moi pour te suivre… ben… trouve-moi un ministère ! » Comme Pierre et ses compagnons, j’ai été exaucée… mais les miracles ne s’opèrent pas nécessairement de manière instantanée et rarement de la manière dont on les avait imaginés. Entre temps, le Christ m’a aidé à me repositionner face à mon enseignement, à adopter une nouvelle posture, une nouvelle attitude. J’ai rarement parlé de Jésus de manière explicite en classe (Il était défendu de parler de religion et de politique en classe à l’école de langue où je travaillais). Mais c’est dans ces classes de conversation anglaise que j’ai commencé à voir à quel point toutes mes conversations étaient pastorales… empreintes d’une écoute attentive, et oui, d’amour… l’amour qui cherche à promouvoir la vie abondante pour toutes et tous. Voir mon travail sous cet angle a été fécond… pour mes étudiants-es et pour moi aussi. J’ai été nourrie et soutenue dans mon travail autant que ceux et celles que je servais.
Et en parlant de servir son prochain… avez-vous remarqué ? Dans l’Évangile de ce matin, les disciples reviennent avec leur filet plein de poisson… et le snack est déjà tout préparé… ou presque. Miam ! Du pain et du poisson sur le charcoal ! Mais Jésus leur demande quand même de faire une petite contribution, de participer à l’œuvre qu’il a commencée. C’est ainsi que le repas devienne partage et eucharistie – action de grâce en communauté. « Venez déjeuner ! » C’est le Ressuscité qui invite ses disciples au repas et c’est lui qui leur donne à manger. Du pain et des poissons pour tout le monde !
C’est ça l’Église : la communauté des disciples du Ressuscité rassemblés autour d’un repas empreint d’amour.
« Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Jésus ne l’appelle pas Simon-Pierre… peut-être qu’il ne voulait pas trop insister sur le fait que, par le passé, Simon avait souvent été une pierre d’achoppement, une pierre qui aurait tant voulu marcher sur les eaux mais qui a calé dans le lac. Jésus ne ressasse pas les erreurs et les manquements du passé. C’est pas son genre. Il ouvre plutôt des perspectives d’avenir : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » Le Ressuscité pose cette question trois fois à celui qui l’avait renié trois fois. Le Christ ne cherche pas à se venger de cette trahison. Il donne à Simon l’occasion de dire trois fois son attachement envers lui et de s’enraciner ainsi dans l’amour qu’il confesse. Oui, avec Jésus, il est possible de balayer sa vie passée, de repartir à zéro, pour tout recommencer…
Comme Paul-André nous le rappelait dimanche dernier, on ne nait pas chrétien, on le devient, c’est l’œuvre d’une vie. Le Christ nous invite à entrer dans un processus de cheminement et de transformations (ou de résurrections) successives. Soyez-en assurés. La personne que vous êtes aujourd’hui, n’est pas celle que vous serez demain. Grâces soient rendues à Dieu.
Simon-Pierre, comme vous et moi, est un disciple en devenir. « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » L’Évangéliste utilise le mot grec agapô, mot qui désigne l’amour divin, l’amour chrétien qui, à l’instar du Christ, va jusqu’à donner sa vie pour les autres. Sans donner les détails, le texte laisse entendre que Simon-Pierre y arrivera un jour mais il n’est pas rendu là encore. Il répond « Oui, Seigneur, tu sais que je t’aime ». Le mot grec utilisé ici, phileô, mot qui exprime l’attachement et l’affection, l’amour fraternel, quoi. Le Christ ne le rabroue pas, ne le chicane pas. Simon-Pierre, comme nous toutes et tous, est un disciple en devenir. Et le Ressuscité sait ce dont Simon-Pierre est capable… comme il sait ce dont nous sommes capables. Nous sommes capables d’accomplir notre mission en tant que disciples du Christ.
« Pais mes agneaux. Sois le berger de mon troupeau. Pais mes brebis » dit Jésus. Trois façons de traduire en français des mots grecs qui signifient alimenter, nourrir et par extension, en parlant de la communauté chrétienne, favoriser le bien-être spirituel de l’Église. » Simon-Pierre et tous ceux et celles qui ont été nourris par le Ressuscité sont appelés à en nourrir d’autres.
Ici, il n’est pas question d’agrandir le troupeau… pas dans le sens de remplir les bancs de l’Église, en tout cas. Et même dans la lettre aux Corinthiens, quand Paul parle de « gagner le plus grand nombre » ce n’est pas dans le sens de recruter le plus grand nombre de membres ou de sympathisants. Son désir ardent, c’est de sauver le plus de monde possible… Être sauvé, c’est avoir la vie en abondance que Jésus est venue nous apporter. Rien avoir avec le pouvoir d’achat ou le pouvoir d’influencer le monde. Avoir la vie en abondance, c’est vivre en communion avec Dieu et avec les autres. Cette vie, on la vivra pleinement au-delà de cette vie, dans le Royaume de Dieu, mais on peut y goûter dès maintenant. Avoir la vie en abondance, c’est vivre une vie empreinte d’amour… d’agapé… de l’amour divin. Les plans stratégiques, les stratégies de marketing et de communications auprès d’un « public cible », ce sont des outils qui peuvent être utiles… mais rien de ça n’est essentiel. Le Christ nous appelle à apporter notre contribution à son œuvre et à partager avec d’autres la nourriture que nous avons reçue par sa grâce. Ce qui importe, c’est la nourriture qui favorise le bien être spirituel des gens.
C’est ce que Pierre et ses compagnons ont fait… au gré des rencontres, poussé par le vent de l’Esprit, Pierre et ses compagnons ont été des bergers à leur époque. À nous de prendre le relais. Frères et sœurs, avez-vous goûté à l’amour du Ressuscité ? L’aimez-vous de tout votre cœur ? « Quel que soit votre travail, faites-le de bon cœur, comme pour le Seigneur, et non pour les humains, sachant que vous recevrez du Seigneur l’héritage en récompense. Le Maître, c’est le Christ ; vous êtes à son service. » (Colossiens 3, 23-24). Amen.
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