Faits et gestes d’un illustre inconnu. Ainsi pourrait s’intituler la très courte histoire de Joseph, dont on ne sait pour ainsi dire rien. Sinon qu’il était un homme juste et qu’il a risqué le tout pour le tout en sortant du cadre social et religieux de son temps pour amorcer une vie conjugale et familial hors du commun. Matthieu et Luc seuls le mentionnent brièvement, dans de courts chapitres dénommés évangiles de l’enfance, selon toute vraisemblance des sections de catéchèse symbolique et apologétique rajoutées tardivement au corps du texte.
Il ajoute est la signification de son nom. Mais qui est ce « il » et qu’ajoute-t-il ? Il, Dieu, la source et la destination de chaque être, par les processus biologiques et sociaux propres à une existence particulière, ajoute la durée de nos jours limités autant que les circonstances propres à notre histoire personnelle. Notre identité, notre individualité s’y trouvent ainsi modelées, un peu comme le verre artisanal tient sa forme du souffle du verrier ou le vase de l’impulsion du potier qui le façonne. Et tout cela finit par constituer ce qu’on appelle une vie, la vôtre, la mienne. Que connaissent les enfants de la vie de leurs parents, et les parents de celle de leurs enfants? Que connaissons-nous les uns des autres malgré la fréquentation de plusieurs années? L’inconnu de la vie de Joseph ressemble beaucoup à la nôtre.
Identifié en Mt 13,55 comme tekton/charpentier, ce terme bien va au-delà du travail du bois; c’est l’habileté manuelle de l’artisan qui s’applique dans pleins de secteurs. Ainsi Joseph est devenu au fil de siècles le patron des travailleurs.
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
Savoir-faire manuel, mais aussi savoir-faire existentiel; aucune parole ne lui est imputée mais c’est de son silence qu’il agit conformément à l’intuition profonde (songe) dans des actes concrets (épouse sa fiancée enceinte, nécessité de prendre la route et de traverser le pays qui se transformera en chemin d’exil à l’étranger pendant plusieurs années, retour et relocalisation de la famille, toujours en assurant protection et subsistance aux siens, avec en prime la recherche de son fils fugueur quelques années plus tard). Au-delà de cela, la providence a sûrement ajouté bien des choses mais on n’en sait rien.
C’est donc sa réceptivité à l’Esprit, esprit de toute créativité, tant dans son travail d’artisan que dans celui non moins exigeant et délicat d’époux et de père, qui caractérise cet homme ordinaire que les circonstances rendront illustrent. On lui attribue volontiers les qualités qui font un artisan exceptionnel autant qu’un être spirituel inspirant. Et tout ça, toujours sans rien dire… Souvent représenté avec un bâton, aide pour la route et arme au besoin, Joseph évoque aussi bien la protection et l’aide prodiguées sur le chemin de l’existence que la sagesse murie d’observation, de réflexion et d’écoute.
Joseph, en dépit d’une situation rocambolesque, choisira d’épouser la jeune femme enceinte d’un fils dont le nom sera Emmanuel, qui se traduit Dieu avec nous octroyant ainsi à l’enfant qu’il fait sien d’intégrer la lignée du roi David d’où doit venir le Messie. Plus, c’est lui qui le nommera Jésus, car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés, selon ce que son rêve lui a suggéré.
Sur la table du sanctuaire, un globe terrestre symbolise notre monde; les bougies qui l’encerclent, assemblées au cours des trois dernières semaines de l’Avent, évoquent des valeurs universelles et intemporelles dont l’humanité a besoin pour se réaliser : la paix, l’espérance et la joie. Elles expriment le climat de notre attente profonde du salut, de la réalisation du dessein de Dieu. Pour que cela puisse se produire, l’élément indispensable est symbolisé par la quatrième bougie de l’Avent, celle de l’amour.
L’impératif de l’amour est plus contraignant que celui de la loi, même des règles religieuses. L’élan de l’amour est plus fort que toutes les conventions sociales et les attitudes patriarcales. Le mouvement de l’amour fait s’écrouler toutes les fiertés mal placées pour sauver la face, et les efforts de contrôle des personnes au détriment de l’accueil généreux et authentique. Nous ne pourrions avoir pour conclure notre marche vers la lumière de Noël de meilleur enseignant que cet artisan humble, essentiellement inconnu, qui pendant un bref moment de sa vie a été catapulté au cœur de l’histoire du salut et qui, par la suite, est retourné à l’anonymat de la vie ordinaire, la vie comme vous et moi nous la connaissons.
Alors, accueillons ce que Dieu voudra bien ajouter sur nos chemins et, à l’exemple de Joseph, demeurons attentifs au quotidien, car songes et signes ne sont jamais loin, lorsque nous restons près de Dieu. En guise de conclusion, une phrase tirée de l’œuvre de Charles Dickens qui, au 19e siècle, a su raviver l’éclat de la lumière de Noël : « En ce monde, nul n’est inutile qui allège les fardeaux d’un autre. » L’amour c’est ça et Joseph, cet inconnu, l’illustre fort bien.
Église Unie Saint-Pierre / 4e dimanche de l’Avent « A » / 22 décembre 2019
Un commentaire