Une pêche inattendue

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Éprouvante semaine, n’est-ce pas ? Mardi passé, Radio-Canada a publié un article à propos de la fameuse crise politique que nous traversons et qui n’a cessé jusqu’à aujourd’hui d’occuper les esprits. Dans cet article, une citation du premier ministre du Québec a tellement accroché mon attention que je crois bon de vous la partager :

« Le monde, notre monde est en train de changer, a poursuivi François Legault. Je n’ai pas toutes les réponses. Mais ce que je sais, c’est qu’on doit se relever les manches. On doit se battre! Puis, on doit le faire ensemble, intelligemment, à la québécoise1. »

Sans vouloir faire un prophète de malheur de moi, je reste un peu sceptique vis-à-vis de cet enthousiasme pour le combat. Notre devenir dépend-il entièrement de nos efforts ? Autrement, pour reprendre une image familière, la petite barque de Pierre ferait-elle le poids contre les paquebots des influenceurs de la droite alternative et des autres « pêcheurs d’hommes » ?

Un vent mauvais souffle… Ensemble dans notre barque, on peut jeter de temps à autre un regard attristé vers les eaux dépeuplées. Reste-t-il quelque chose à saisir après tous ces ravages, ces razzias qui perdurent ?

Vous savez, le peuple, Simon et ses associés ne l’ont pas eu facile eux non plus de leur vivant. Déjà, l’auteur de l’Évangile nous glisse quelques indices qui ont à trait aux défis de l’époque. À la faim spirituelle du peuple s’ajoutait un manque de poissons pour rassasier tout ce beau monde-là. Alors que la foule se rassemblait autour de Jésus en espérant être nourrie de la Parole, les pêcheurs, eux, oeuvrèrent pendant toute la nuit sans rien prendre. Les choses s’annonçaient mal.

Ça en serait resté-là, en fait, si Jésus n’aurait pas fait une demande pour le moins audacieuse à Simon. « Avance en eau profonde, dit-il, et jetez vos filets pour attraper du poisson. » À la place de Simon, j’aurais eu un froncement de sourcil avant de rappeler au Nazaréen qu’on passa toute la nuit sans rien prendre. « On est fatigués, les filets sont remplis de bouette, pourrait-on dire. Jésus, le lac est vide. Il n’y a plus rien du tout. » C’est peut-être ce qu’on répondrait aussi devant l’invitation de faire des disciples d’à travers le monde d’aujourd’hui. Pas facile du tout de se mesurer aux paquebots…

Malgré tout, comme nous le faisons tous les dimanches, Simon va finir par se laisser tenter par la demande du maître. Dans l’eau profonde où ils passèrent les filets on ne sait plus combien de fois, Simon tente de nouveau sa chance. Quelque chose arrive alors : ceux et celles qui tentèrent de récolter les fruits de la mer toute la nuit et dans tous les coins imaginables du lac se retrouvent avec une prise inattendue… Les filets manquent se déchirer, on appelle à l’aide comme si on venait de prendre Moby-Dick ! C’est la surprise, oui, la prise du siècle !

La pêche miraculeuse, n’est-ce pas beau un peu ? Je vous avoue qu’on pourrait peut-être rester sceptique devant ce récit un tantinet fantastique, surtout compte tenu des épreuves qu’on traverse depuis un bon moment. Dieu sait qu’il n’est pas facile d’oeuvrer dans un monde assombri où les eaux semblent complètement vidées de ce dont nous avons besoin pour nous épanouir.

Et pourtant… Au milieu des ténèbres qui sont les nôtres et celles des premiers disciples, l’Évangile nous rappelle qu’il est encore possible de découvrir ces trésors auxquels nous sommes promis. Comment ne pourrions-nous pas le reconnaître en regardant notre communauté qui, toujours foisonnante malgré sa relative fragilité, porte la lumière de Dieu d’un bout à l’autre du monde ? De Québec à Saint-Nazaire, la qualité de notre ministère et la maturité de notre foi démontrent qu’une pêche inattendue eut lieu et qu’elle a encore lieu dans les eaux d’un monde qui nous semble parfois, spirituellement parlant, dépeuplé.

Toutefois, il ne faut pas s’y méprendre sur les raisons qui expliquent la présence de ces trésors que nous sommes ou encore notre engagement qui prend forme d’une résistance. Aux yeux de la culture de consommation qui sévit tout autour de nous, il se trouve cette tentation de croire que les résultats de notre ministère, de notre combat – pour reprendre les termes de Français Legault – sont intimement liés à nos efforts et nos mérites.

Certains peuvent être tentés de voir l’abondance comme une preuve de la bénédiction de Dieu qui accorderait selon eux les richesses aux justes et la pauvreté aux pécheurs. Je crois, d’ailleurs, que c’est une perspective qui a aussi tenté Simon-Pierre. Devant l’inattendu, Pierre s’est considéré comme indigne de la présence de Jésus et lui a dit : « Seigneur, éloigne-toi de moi, car je suis pécheur. »

Qu’il est difficile de nous reconnaître comme étant dignes d’être aimés et d’être soutenus ! Nous sommes pécheurs, certes, mais ça ne fait pas de nous des gens indignes de l’amour de Dieu pour autant. Preuves en sont que le Seigneur a non seulement monté parmi nous dans notre barque, mais il nous a aussi permis de découvrir l’abondance à même les eaux troubles de notre temps. Ce que nous sommes, ce que nous deviendrons, nous ne le devons qu’à la grâce de Dieu… et non pas à nos oeuvres.

Dans un tel cas, soyons sans crainte. Le Seigneur pourvoit à son peuple d’une manière ou d’une autre, et ce, selon les modalités de temps et d’espace qui lui conviennent. Il suffit d’être des disciples patients, le filet ou la canne à pêche en mains. Il importe de rester attentif aux signes de sa parole et de saisir les opportunités qui nous sont offertes par Dieu… pour faire la prise du siècle.

Amen

1https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/2138024/tarifs-douaniers-etats-unis-quebec-francois-legault

 

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