Le regard que nous portons sur les autres crée en quelque sorte ce qu’ils ou ce qu’elles sont. Ou plutôt les personnes deviennent ce que nous voyons en elles. Heureusement ou malheureusement, c’est selon. Selon que notre perception soit positive ou négative. Et c’est bien ce qui ressort aujourd’hui de l’extrait de l’Évangile de Luc concernant la femme pécheresse. La perception qu’a le pharisien qui a invité Jésus à manger avec lui est étroitement limitée à un aspect de ce qu’est cette femme, une pécheresse. Le pharisien ne voit rien d’autre. Si cet homme était prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu’elle est: une pécheresse. Sa perception de cette femme, on le constate aussi, perturbe même la perception qu’il avait de Jésus. Il avait invité chez lui ce prédicateur des grands chemins qui attirent les foules et voilà qu’il se met à douter de lui : Si cet homme était prophète, il saurait…
Les extraits de la Bible inspirant cette réflexion sont donnés à la toute fin de la prédication. Vous pouvez cliquer sur les liens pour lire les extraits. |
J’illustre mon propos à partir de l’exemple de Simon, le pharisien, mais nous vivons au quotidien le même phénomène. Selon le regard que nous portons sur elles, des personnes selon leur race, leur ethnie, leur culture, leur langue, leur classe sociale, leur religion seront considérées comme aimables ou dangereuses, fréquentables ou à fuir absolument. Bien malheureusement, les gens perçus négativement finiront parfois par se percevoir aussi négativement.
C’est très probablement ce qui est arrivé à cette femme qui semble n’avoir qu’une seule dimension : c’est une pécheresse… et rien d’autre. Dans le monde où elle vivait elle avait perdu son honneur, elle n’existait plus comme une personne à part entière.
Dans la scène à laquelle nous assistons, la femme a cependant le pressentiment que ce sera différent avec Jésus. Elle défie la perception des invités au repas, s’approche de Jésus et lui lave les pieds. Elle ne cherche qu’une seule chose, c’est de Lui dire son amour et son respect.
La réponse de Jésus est limpide : Ses péchés, ses nombreux péchés, ont été pardonnés parce qu’elle a montré beaucoup d’amour. Est-ce qu’il faut comprendre que c’est parce qu’elle a posé ce geste de laver les pieds de Jésus qu’elle a été pardonnée ? Non, bien sûr. Ce ne sont pas les œuvres qui apportent le salut. Paul, dans sa lettre aux Galates, nous l’enseigne: nous savons que ce n’est pas sur la base des œuvres de la loi que l’homme est déclaré juste, mais au moyen de la foi en Jésus-Christ. Ainsi, nous aussi nous avons cru en Jésus-Christ afin d’être déclarés justes sur la base de la foi en Christ et de la loi, puisque personne ne sera considéré comme juste sur la base des œuvres de la loi.
Le salut ici est arrivé pour cette femme dans le regard aimant de Jésus, dans le pardon qu’Il lui annonce devant tous les convives : ses nombreux péchés ont été pardonnés. C’est à travers ce regard miséricordieux de Jésus qu’elle a puisé l’élan pour manifester tant d’amour. Le salut offert en Jésus-Christ l’ouvre à une plus grande qualité d’amour.
Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, à ses pieds. Par cette attitude, la femme nous montre que le chemin de l’amour passe nécessairement par le chemin de la reconnaissance de nos fautes et du pardon, et donc par celui de la reconnaissance et de la confession du péché. Non pour nous culpabiliser, mais pour y découvrir la grâce qui nous est faite gratuitement, sans que nous l’ayons mérité. Tout simplement parce que le regard de Dieu sur nous est un regard d’amour sans limites, tels que nous sommes.
Notre organe de communication, La Parpaille, dans son numéro du printemps 2016, présente le fruit de la recherche de notre sœur Françoise Haeberlé concernant Charlotte Elliott (1789-1871), l’auteur des paroles du chant Tel que je suis : Elle se convertit, à la suite d’un entretien avec l’évangéliste César Nalan qui lui avait dit «Venez à Jésus simplement telle que vous êtes» en référence au verset 28 du chapitre XI de l’Évangile de Matthieu : «Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau et moi je vous donnerai le repos».
Voilà bien un chant qu’aurait pu interpréter la femme pécheresse de l’évangile et que nous pouvons, tous et toutes, chanter à notre tour :
Tel que je suis, sans rien à moi, Tel que je suis bien vacillant, Tel que je suis... ton grand amour A tout expié sans retour. Je puis être à toi dès ce jour, Agneau de Dieu – je viens, je viens. Amen
Par Pierre Nadeau
Prédication pour le 11e dimanche ordinaire (C) le 12 juin 2016
LECTURES BIBLIQUES
Galates 2, 15-21
Luc 7,36-8,3
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