Une sacrée toupie…

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

… En croyant, vous aurez la vie par le Christ, le Fils de Dieu.[1]

C’est la solennité de la Trinité d’aujourd’hui qui m’a rappelé cet objet; à première vue c’est plutôt étonnant. Pas rap comme disent les jeunes. Laissez-moi vous raconter une courte histoire. Il y avait une fois, il y a bien des années de cela, dans la boîte à jouets de mes enfants, une toupie somme toute très ordinaire. À la base de son axe, entouré d’un globe translucide comme un bulle étaient collés trois cartons imbriqués l’un dans l’autre, un rouge, un bleu, un jaune, les couleurs primaires. Lorsqu’on poussait vigoureusement la tige métallique vers le bas, la toupie se mettait à tourner, de plus en plus vite selon la vigueur et la rapidité des pressions exercées sur la tige. Au fur et à mesure que la toupie prenait de la vitesse les cartons de couleurs distinctes semblaient se fondre l’un dans l’autre, leur forme et leur couleur respectives se dissolvant dans une vague nuageuse d’une unique teinte : vous savez laquelle?

À l’époque, j’étais pigiste au département de Sciences des religions, et on m’avait demandé d’offrir un cours sur le Dieu des chrétiens. Rétrospectivement, je me trouve bien casse-cou d’avoir accepté ce cours dont vraisemblablement personne d’autre ne voulait et qui était octroyé pour cette raison à l’extérieur du corps professoral. Quel défi d’essayer de présenter de manière accessible cette particularité sans pareil du Dieu des chrétiens : la Trinité, être trois tout en demeurant un. Affirmation irrationnelle, même considérée blasphématoire et idolâtre par les religions monothéistes, un obstacle dans le dialogue interreligieux. Comment pouvais-je en parler de manière intéressante et intelligible à mes étudiants?

C’est en regardant mes enfants s’amuser à faire tourner la toupie le plus vite possible, que j’ai eu une sorte d’épiphanie, une révélation. Dans les jours suivants, j’ai apporté la toupie en classe et invité les étudiants à observer l’objet et ce qui allait se produire lors de la rotation, d’abord lente puis de plus en plus rapide. Rires, ébahissements, silences réflexifs des étudiants. L’un d’entre eux, retrouvé par hasard il y a quelques mois – 30 ans plus tard – m’a dit qu’il se rappelait encore de ce moment qui l’avait étonné : l’illustration d’un processus intangible avec un jouet.

Bon que retenir de cette intuition pédagogique dont je rends grâce jusqu’à ce jour?

D’abord que le mystère de Dieu gagne à être approché avec un cœur et des yeux d’enfant, de manière ludique, pour le simple plaisir du jeu. C’est dans cette perspective qu’on est le plus réceptif, le plus intelligent si vous voulez. Si nous sommes croyants ce ne devrait pas d’abord être par obligation, par nécessité et encore moins par peur ou pour avoir une police d’assurance pour l’après-vie. Nous sommes croyants parce que c’est l’fun, parce que la vie est meilleure, plus belle, plus bienveillante, pour soi-même comme pour tout le monde, quand on laisse à Dieu sa place dans notre vie, au labeur comme au repos. Laissez venir à moi les petits enfants car c’est à leur semblable qu’appartient le royaume de Dieu.[2]

Ensuite, que toute parole sur Dieu est insuffisante pour décrire la largeur, la longueur, la profondeur et la hauteur, de l’amour de Dieu[3] pour paraphraser Paul. C’est le regard qu’on porte sur le monde, les êtres et la vie qui permet de déceler l’émergence du sacré dans l’existence, la Parole de Dieu qui vivifie labeur et repos.  Telles les trois couleurs primaires (rouge, bleu, jaune) dans la ronde folle de la toupie créent le blanc, leur unité, ces trois personnes de la Sainte-Trinité partagent un mouvement dynamique permanent qui les unifie au plus intime sans pour autant les abolir dans leurs identités propres. Et ce mouvement qui fait tourner autant les galaxies que les atomes, c’est l’amour! C’est l’éclat de l’explosion du Big-Bang et le resplendissement de la Transfiguration et du matin de Pâques.

Et aussi ceci : le Dieu que nous célébrons ce matin, Dieu qui suscite notre adoration, notre confiance, notre espérance, n’est pas un Éternel solitaire mais en lui-même relation d’amour, de créativité et de joie.

Car, Toutes les personnes conduites par l’Esprit de Dieu sont enfants de Dieu.[4]

Dieu n’a pas de nom il est mouvement continu dans le temps et l’espace. L’amour de Dieu, insondable énigme de nos origines, source de la matière et de toutes les énergies de l’univers, qui nous enfante telle une mère, ce qu’on nomme le Père;

et ensuite Nous sommes ses enfants, nous sommes héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ.[5] Dieu personne l’a vu; Jésus est la fenêtre qui le fait connaître. La grâce de Jésus, un être humain comme nous en qui l’intimité de Dieu est à jamais soudée à la nôtre, présence du Christ qui nous rassemble toutes et tous pour nous guérir et nous sauver, nous rendre pur, ce qu’on nomme le Fils;

et enfin L’Esprit de Dieu atteste lui-même à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu.[6] Dieu n’est pas ailleurs qu’ici et maintenant, la greffe de l’Esprit dans notre psychisme, l’intime connexion de la présence lumineuse de Dieu, au plus profond de nous comme tout autour de nous, la pulsation cosmique autant que la palpitation du cœur et du souffle vivant, la tendresse de la vie qui se goûte, s’offre et se partage, c’est l’Esprit.

Alors, oui, tout au long de la journée, dans le travail et dans le repos, que nos vies soient vivifiées par la Trinité, Parole de Dieu qui constamment, par et pour l’amour, nous crée, nous guérit et nous renouvelle. Amen.

 

LECTURES BIBLIQUES

Romains 8, 12-17

Jean 20, 30-31

[1] Jean 20, 31

[2] Luc 18, 16

[3] Éphésiens 3, 18

[4] Romains 8, 14

[5] Romains 8, 17

[6] Romains 8, 16

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