« La vie, c’est ce qui arrive alors qu’on est occupé à faire d’autres projets. » Cette phrase tirée d’une chanson de John Lennon pour être la devise de tout le peuple de Dieu. En 1992, devenir pasteur ne faisait certainement pas des projets de retraite de Gérald. En 1996, alors que j’étais doctorante en linguistique, succéder à Gérald comme pasteure de Saint-Pierre et Pinguet ne faisait pas partie de mes projets de recherche. Mais un beau dimanche, je pousse la porte pour assister au culte de l’Église Chalmers-Wesley, je m’assois et voilà qui Gérald se présente à l’assemblée : « Bonjour, je m’appelle Gérald Doré, professeur à l’École de service social à l’Université Laval et candidat au ministère ordonné dans l’Église Unie du Canada. » Et en mon for intérieur une voix se lève : « Je pourrais faire ça. » Amen, amen, je vous le dis, avec Dieu, la vie, c’est souvent souvent ce qui arrive alors qu’on est occupé à faire d’autres projets.
Tout le monde n’est pas appelé à devenir pasteur ordonné mais du milieu de nos préoccupations et de notre train train quotidien, Dieu nous appelle : « Va ! Prophétiser à mon peuple. » (Amos 7, 14)
Là, la question se pose : qu’est-ce que prophétiser au juste ? Dans l’univers biblique, prophétiser ne signifie pas « prédire l’avenir ». Prophétiser, c’est plutôt poser un regard lucide sur les temps présents afin de mettre en lumière les erreurs et les errances du peuple de Dieu. Les prophètes sont là pour nous avertir et pour attirer notre attention sur l’œuvre de Dieu dans nos vies et dans le monde. Le Créateur du ciel et de le Terre nous aime d’un amour Éternel et ne désire qu’une chose : que nous l’aimions en retour en aimant et en servant notre prochain. On pourrait résumer le message des prophètes ainsi : Peuple de Dieu, vous êtes dans le champ. Vous courrez. Vous courrez à gauche et à droite, mais vous courrez à votre perte. Il faut changer de direction, se réorienter, se réaligner sur les projets de Dieu… qui parfois ont peu à voir avec nos projets. Nos voies ne sont pas toujours les voies de Dieu (Ésaïe 55, 8).
Amos n’avait pas le projet de devenir prophète… pas plus que Gérald et moi avions le projet de devenir pasteurs. Sur le chemin de Damas, devenir apôtre ne faisait pas partie des projets de Paul, pas pantoute. Il persécutait l’Église. Une rencontre inattendue avec quelqu’un qu’ils ne reconnaissaient pas a conduit deux disciples à changer complètement de direction. Ils se dirigeaient vers Emmaüs… avec l’impression que tous leurs projets avaient échoué. Les événements dont ils parlaient sur le chemin avaient creusé un grand vide dans leur vie. Mais ce passage à vide a créé un espace d’où pouvait jaillir une expérience spirituelle et une vie radicalement nouvelle. Une rencontre fortuite et les deux disciples changent complètement de cap. Ils retournent à Jérusalem mais ils ne sont pas du tout le même. De nouveaux défis… et des dangers réels… les attendent. Mais leur expérience spirituelle a comblé leur cœur d’une paix inattendue et d’une joie improbable. Et cette joie, nul ne pouvait la leur ravir (Jean 16, 22). Ils étaient sur la bonne voie. La voie de l’Évangile, de la Bonne Nouvelle de Dieu.
La Bonne nouvelle, c’est que la voie de Dieu n’est pas une voie qui nous rend esclaves de dogmes ou d’interprétations littéralistes qui conduisent au jugement et à la condamnation éternelles. La voie de Dieu est la voie de l’amour et de la vérité qui rend libre. (Jean 8, 32) La voie de Dieu est la voie qui conduit à la vie en abondance pour la création tout entière… et pour toujours. C’est la voie sur laquelle Jésus a conduit et continue à conduire quiconque se laisse guider par son Esprit.
Cette Bonne Nouvelle que l’apôtre Paul a annoncé, c’est la même que Gérald a toujours annoncé depuis que Dieu l’a pris du milieu des groupes qu’il animait et que moi j’annonce depuis que Dieu m’a pris du milieu de mon projet de doctorat. C’est la Bonne Nouvelle qui a le pouvoir de changer radicalement la vie de tant de nos contemporains.
Ce n’est pas l’appel des seuls pasteurs ordonnés. À quiconque a les oreilles pour entendre et le cœur pour répondre Dieu dit : « Va ! Prophétise à mon peuple. » Amen.
Prédication offerte lors du culte soulignant le 25e anniversaire d’ordination de Gérald Doré
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