Viens et tu verras

Église Unie St-Pierre et Pinguet https://www.stpierrepinguet.org/wp

Force est de constater que la religion a mauvaise presse. Il y toutes ces images en boucle qui renforcent le stéréotype selon lequel « religion » est synonyme de « d’intégrisme » et de « fanatisme ». Et ces commentaires qui attribuent « notre poignage » comme société, nos empêtrements collectifs, à notre « vieux fond judéo-chrétien ». C’est lassant, lorsqu’on est croyant et qu’on a l’impression qu’il faut sans cesse se justifier… essayer de présenter une image plus « nuancée » d’une personne de foi. Parfois, on a tout simplement envie de d’aller se cacher, trouver un refuge pour ne pas avoir à se défendre constamment.

Cette semaine, une connaissance, ancien catholique romain converti à l’islam, a déclaré qu’il avait envie d’acheter un terrain loin de la ville, un lieu où il pourrait se rassembler avec des gens qui partagent ses convictions et vivre sa foi tranquille. Une collègue pasteure s’est exclamée sur son mur Facebook : « J’en peux plus de tous ces affichages selon lesquels la religion serait la source de tous les maux de société contemporaine. Je ne les commenterai même plus ».

Oui, parfois il est tentant de garder notre foi pour nous, de ne rien dire de nos expériences spirituelles, de nous réfugier au temple avec des gens qui partagent déjà nos convictions, de rester au bord du Jourdain où une voix du ciel nous a dit, pas plus tard que la semaine dernière : « Tu es mon fils, tu es ma fille bien-aimée, il m’a plu de te choisir. » Mais nous ne le pouvons pas puisque nous suivons Jésus.

Fort de la promesse de l’amour indéfectible de Dieu, entendue à son baptême, Jésus est poussé par l’Esprit dans le désert. Poussé, ekballo en grec, c’est poussé avec vigueur, violence même. Une force plus grande que nous, à laquelle on ne peut résister. En fait, c’est la force motrice, la puissance à l’œuvre dans tout le ministère de Jésus. Une force qui va le projetter jusqu’à la croix et par delà. Cette force est celle de tous les baptisés : celle qui nous tire de nos lits de bonne heure le dimanche matin et nous pousse dans le désert de la société actuelle, si souvent hostile à tout ce qui est religieux, et paradoxalement, en attente d’une rencontre authentique avec Dieu.

Jésus ne reste pas au bord du Jourdain, non. Il va à la rencontre de ses contemporains. Il les appelle individuellement, personnellement : « Viens et tu verras ».

Qu’est-ce qu’ils vont voir? Pas un beau temple, bien rempli de fidèles unis dans la prière – car, pour Jésus, la prière n’est pas une fin en soit. Pas un faiseur de miracles pour les divertir et les émerveiller, non plus. « Tu verras de bien plus grandes choses que celle[s]-ci ! » dit Jésus, Et il ajouta : « Oui, je vous le déclare, c’est la vérité : vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l’homme ! » Dès à présent, plus de séparation entre le royaume de Dieu et le monde des humains. La communication directe, la communion avec Dieu, est une réalité actuelle. « Viens et tu verras ».

C’est cette vision qui  drive, qui dynamise, le ministère de Jésus. Poussé par l’Esprit, il ira prier, mais il ne se réfugiera pas dans le temple. Il ira affronter tous les vents contraires pour accomplir, avec les disciples, sa mission : le rêve de Dieu pour ce monde tant aimé.

Depuis quelque temps, en réfléchissant sur sa place dans le monde actuel, l’Église Unie – comme d’autres Églises historiques – reprend une phrase du théologien Tim Dearborn, phrase qui se traduit comme suit : « Ce n’est pas l’Église de Dieu qui a une mission dans le monde, c’est le Dieu de la mission qui a une Église dans le monde. » Ce n’est pas nous qui avons une mission. C’est Dieu qui a une mission, et nous, l’Église, sommes appelés à y participer. Cette façon de concevoir la mission est libératrice à plusieurs égards. Premièrement, elle nous libère des erreurs de notre passé colonial et sectaire… et intégriste par moments. Être une Église en mission ne veut pas dire imposer à d’autres notre façon d’être le peuple de Dieu et de vivre notre foi et notre spiritualité. Peu importe notre confession, nous sommes appelés à participer à la mission qui fait du monde des humains le royaume de Dieu.

« Viens et tu verras! » Tout commence par l’invitation à venir voir ce que Dieu est déjà en train de faire parmi nous. Ce matin, nous entendons Philippe dire à Nathanaël, « Viens et tu verras que je dis vrai…nous avons trouvé la réponse à toutes nos prières, celui par qui Dieu tiendra ses promesses, celui qui nous libérera de tout ce qui nous tient captifs, de tout ce qui nous sépare de Dieu et de la vie abondante pour laquelle nous avons été créés. » C’est une très bonne nouvelle ça… trop bonne pour que Philippe la garde pour lui-même.

Tout en étant quelque chose de très intime et personnel, la foi chrétienne n’est pas une affaire privée, d’abord parce que toute bonne nouvelle, quand elle est vraiment bonne, se doit être partagée; ensuite parce que, comme nous le vivions ce matin, c’est dans l’échange avec d’autres que notre foi se développe et se consolide. Prenez Nathanaël, par exemple. Quand Philippe lui dit que Jésus de Nazareth est le Messie tant attendu, Nathanaël a ses réserves – c’est le moins qu’on puisse dire! Mais quelque chose le pousse à dépasser ses objections premières, ses préjugés, ses idées reçues. Et ensuite c’est l’échange avec Jésus lui-même qui amène la conversion de Nathanaël. Mais ce n’est qu’un début! C’est dans le partage avec Jésus et les autres disciples que la foi de Nathanaël, comme notre foi à nous toutes et tous, continuera à se développer.

Et ça ne s’arrête pas là non plus. Ensemble, forts de leur foi, à l’instar de Jésus, les disciples affronteront les vents contraires de leur temps. Poussés par l’Esprit, ils poursuivront son œuvre transformatrice dans le monde, de la Galilée du premier siècle, jusqu’au Québec d’aujourd’hui. Ne nous réfugions pas ici. Ne gardons pas le silence. Que notre vie réponde à tous nos détracteurs et soit pour eux une invitation : « viens et tu verras ». Amen.

Pasteure Darla Sloan.

18 janvier 2015 – 2 Épiphanie B15 – Église Unie St-Pierre

LECTURES BIBLIQUES

1 Samuel 3, 1-20

Jean 1, 43-51

7 commentaires

  1. Nicholas Kulak says: · ·Répondre

    Bonsoir, je suis en désaccord avec la prédication. Bien que je reconnais l’utilité de la religion, elle a une connotation négative, car pour moi, religion fait référence à règles. Christ est mort pour notre liberté. Il nous a libéré de l’emprise de la Loi sur les croyants et les Chrétiens ont fait le contraire. Dans son entretien avec la Samaritaine, Jésus relativise l’importance de la religion. Il faut plutôt adorer en Esprit et en Vérité comme il est dit dans la Bible. D’ailleurs, les deux seuls commandements qui pourraient caractériser toutes les grandes religions sont d’aimer Dieu de toute son âme et de toute sa force et d’aimer son prochain comme soi-même. Cela vient en soi relativiser l’importance de la religion, car qui a besoin de celle-ci pour se valider face à Dieu. Pour moi, la religion doit nous amener à être spirituel et non légaliste, comme c’est souvent le cas avec celle-ci.

    Bonne soirée,
    Nicholas

    • Darla says: · ·Répondre

      Je suis d’accord avec vous sur plusieurs points. Il est vrai que, selon Jésus, toute la loi et les prophètes pouvaient se résumer en deux petits commandements : l’amour de Dieu et de son prochain. Et comme vous le soulignez, ces deux commandements se trouvent, sous une forme ou une autre, dans beaucoup de traditions spirituelles et religieuses.

      Toutefois, je n’irai pas jusqu’à dire que Jésus relativisait l’importance de la religion. Si Jésus s’indignait face à ceux qui se servaient de leur religion pour consolider leur pouvoir et leurs intérêts personnels, plutôt que de la mettre au service du bien commun, Jésus était tout de même un homme « religieux » : croyant et pratiquant jusqu’à sa mort. Il allait régulièrement au temple ou à la synagogue, et son dernier repas avec ses disciples était résolument religieux : le repas de la Pâque tel que prescrit par sa religion juive.

      Le mot religion a deux étymologies relegere signifiant « relire » et religare signifiant « relier ». Ces racines suggèrent qu’avant tout, la religion a une fonction identitaire : elle relient les gens entre eux et permet une relecture commune de leur histoire collective. Toute religion est un système de signes et de symboles – une langue plus qu’une LOI – qui nous permet de mettre des mots sur notre vécu avec le divin afin que celui-ci devienne une expérience structurante et identitaire. La religion nous aide à comprendre et à dire qui est Dieu et qui nous sommes comme hommes et femmes « faits à l’image de Dieu ». Comme toute langue, toute religion a ses règles « de grammaire » qui régissent la communication. Et comme toute langue, la religion n’est ni bonne, ni mauvaise en soit. C’est l’usage que l’on en fait qui est déterminant. Jésus était un homme de religion et de Parole. Il s’en servait pour édifier et libérer ses frères et sœurs, pour la gloire de Dieu et la transformation du monde que Dieu aime tant.

      • Nicholas Kulak says: · ·Répondre

        Bonsoir,

        Pour répondre à votre texte, je vais prendre encore une fois Jean 4, ou si vous préférez, l’entretien avec la Samaritaine. Cela pour moi démontre comment la religion est relativisée aux yeux de Jésus.

        Tout d’abord, Jésus brise 4 tabous de l’époque. Il parle à une femme, non-juive, divorcé et vivant avec un homme sans être mariée avec lui. De plus, cette femme demande à Jésus où il faut adorer Dieu, à Jérusalem ou à la montagne, le mont Gazirim. Jésus lui a répondu que ça n’avait aucune importance. C’est vrai qu’il a dit que le salut vient des Juifs, mais ce qu’il recherche d’abord et avant tout, c’est d’adorer en Esprit et en Vérite le Père. C’est ce que le Père recherche.

        Je connais beaucoup de gens qui mettent en application, je suis l’un d’entre eux,, ce principe. Ils ont un amour sincère de Dieu sans pour autant être pratiquant. Il se contentent de mettre la Parole en action. C’est bien beau dire que l’on est religieux, mais plus souvent qu’autrement la religion devrait nous servir à nous rendre meilleur. Je connais des gens pour qui la religion a fait le contraire. Elle les a rendus esclaves de dogmes et de discours contraire à l’Amour de Dieu. Le vrai amour de Dieu consiste à nous rendre libre.

        Je vais citer Jacques 1:26-27. C’est le seul passage où le mot religion est mentionné dans la Bible. Et ce n’est pas pour la légitimer, mais plus pour nous mettre en garde comme celle-ci: Si quelqu’un croit être religieux, sans tenir sa langue en bride, mais en trompant son coeur, la religion de cet homme est vaine. 27La religion pure et sans tache, devant Dieu notre Père, consiste à visiter les orphelins et les veuves dans leurs afflictions, et à se préserver des souillures du monde.

        Bonne soirée,
        Nicholas

  2. Darla says: · ·Répondre

    Je reconnais qu’il y en a qui sont devenus esclaves en adhérant à une religion. Il y en a d’autres qui ont trouvé la liberté en devenant « religieux » – et qui sont, heureux de vivre cette liberté en communauté. Sans pour autant perdre leur esprit critique. Je suis de ceux-là. Tout comme la majorité des Chrétiens que je côtoie régulièrement. On peut prier, lire la bible et essayer de mettre en pratique les enseignements de Jésus sans aller à l’Église…mais c’est souvent dans la rencontre avec d’autres que notre foi grandit le plus. Prenons par example Jésus qui rencontre la femme Syro-phonecienne.

    • Nicholas Kulak says: · ·Répondre

      Pour répondre au commentaire, la Foi en Dieu grandit au contact avec ceux que l’on rencontre. Ce n’est pas obligatoirement avec des croyants, mais avec tout ceux que l’on côtoie. Les gens que l’on rencontre ont des perspectives différentes de la Vie. On peut être en accord ou en désaccord avec ceux-ci. Mais ce que Christ nous demande, c’est de les aimer comme nous-mêmes, religion ou non. C’est bien beau aller à l’église. Mais comme a dit Scott Peck dans Plus loin sur le chemin le moins fréquenté, si on va à l’église à chaque dimanche, mais que l’on fais le contraire de la prédication, on n’est rien qu’un chrétien du dimanche. Et ça vaut ce que ça vaut. Pour moi Jésus, c’est un mode de Vie et d’action, pas seulement des discours.Et pour moi, ce mode de vie et d’action, c’est aimer Dieu et son prochain comme soi-même, religion ou non.Et aimer Dieu et son prochain, c’est de nous aimer soi-même.

      Bonne soirée,
      Nicholas.

      P.S. Je recommande de lire le Christ Philosophe de Frédéric Lenoir et le livre cité dans le texte, car ce sont deux livres pratiques et invitant à une lecture de l’Esprit plutôt que la lettre de la Bible.

      • Darla says: · ·Répondre

        Je reconnais qu’il y a des chrétiens qui vont régulièrement à l’Église mais qui ne semblent pas vivre selon l’enseigment qui s’y donne. Le semeur sème et la Parole tombe sur toutes sortes de terrains. Mais, comme le dit la confession de foi de l’Église Unie, Dieu est notre juge et notre espérance. De plus, personne ne fais toujours le bien qu’on devrait faire…à un moment ou un autre, nous faisons tous le mal que nous ne voulons pas faire. « Tous ont péché et sont privés de la présence glorieuse de Dieu » (Romains 8:23).
        Pour moi et les gens de ma communauté, aller à l’Église c’est beaucoup plus qu’écouter un discours…et moi, je dirai que les gens essaient tous de vivre sincèrement la foi que nous proclamons ensemble. Ce n’est pas toujours facile…on ne réussit pas toujours. Mais ensemble nous avançons dans la foi et avons du plaisir à le faire. Veins et tu verras…

        • Nicholas Kulak says: · ·Répondre

          1 Jean 1:
          …8Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est point en nous. 9Si nous confessons nos péchés, il est fidèle et juste pour nous les pardonner, et pour nous purifier de toute iniquité. 10Si nous disons que nous n’avons pas péché, nous le faisons menteur, et sa parole n’est point en nous. Ce passage répond à Romains 3. Le péché ne fait que nous couper de Dieu, même s’il nous a déjà pardonné. Pour moi, c’est ça la gloire de Dieu. C’est de savoir qu’il nous pardonne sans cesse, car c’est vrai, on va pécher. Mais le sacrifice de Jésus nous a racheté. Pour moi, nous sommes toutes sauvés, religion ou non, parce Christ nous a sauvé et pardonné par son sacrifice. Et c’est¸ça le sens de la Bonne nouvelle.

          Bonne soirée

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